vendredi 27 mai 2022

Le coeur à l'échafaud - Emmanuel Flesch

 Le coeur à l'échafaud   -   Emmanuel Flesch


























Calmann Levy
Parution : 06/012021
Pages : 238
Isbn : 9782702182314
Prix : 18.90 €

Présentation de l'éditeur

"On les laisse patienter un bon moment, muets comme des ombres, dans cette cathédrale du Code pénal. Certains occupent leur hébétude sur l’écran de leur téléphone, d’autres s’intéressent à leurs chaussures."

Cour d’assises de Paris. Walid Z., un jeune de quartier parvenu par de brillantes études à se hisser jusque dans l’intimité de la bourgeoisie parisienne, risque la peine de mort par décapitation.
Que vient faire la guillotine dans ce décor si familier ?
Pendant trois jours, les témoins se succèdent à la barre. À mesure que s’esquisse le portrait d’un ambitieux et qu’on interroge sa culpabilité, se dévoile une autre France, parfaitement crédible, où l’extrême droite a pris le pouvoir. Implacable, ce roman choral se déploie comme la suite tragique de notre « roman national » – son ultime chapitre.



Dans le cadre du Prix Horizon

L'auteur





Après avoir exercé toutes sortes de métiers entre Paris et Marseille, Emmanuel Flesch enseigne l’histoire et la géographie dans un collège de Seine-Saint-Denis.

2014  "Un empire et des poussières"  Kyklos


Mon avis

Emmanuel Flesch nous propose une immersion dans un procès de cour d'Assises.  

En effet, nous allons vivre le déroulement d'un procès de l'intérieur, en compagnie de Blaise et des autres jurés. On va y découvrir François, le Président de la cour souffrant de varices et Morland-Kieffer l'avocat qui tente de sauver l'accusé Walid Z.

Un procès particulier car l'accusé est jugé pour viol, une peine en principe de 15 ans mais c'était avant, il risque lui la peine de mort par décapitation ! Oui, vous avez bien lu, la peine de mort de manière cruelle.  Il faut dire que nous sommes dans un monde de demain, un monde relativement proche où l'extrême-droite au pouvoir a changé le code pénal et les règles du jeu. Il n'y a pas d'autre alternative à ce délit que la mort !

La lecture de ce roman interpelle, on est dans une dystopie, un futur relativement proche qui après une période d'élection que nous venons de vivre ne me semble pas si irréel que cela.

Une politique nationale ne permet plus que deux types de citoyens; les citoyens de souche et les octroyés.   Vous l'aurez compris, Walid est un octroyé et c'est sur base de son journal intime que l'on veut à tout prix démontrer qu'il est un monstre car sa belle-mère (la maman de sa copine) l'accuse de viol.

Manipulation, haine de sa part, procès du racisme ...  à vous de vous faire votre opinion sur la culpabilité de Walid qui pour pouvoir devenir fonctionnaire a même accepté de changer de prénom.   Un étudiant brillant qui a tout fait pour s'élever de sa condition dans cette triste société.

C'est une claque, un roman qui interpelle sur le racisme, la montée de l'extrême-droite, l'intégration, la liberté et la justice, cela fait froid dns le dos et ne laisse en rien indifférent.

Le récit est très bien construit, il nous livre les états d'âme de chaque protagoniste.  L'écriture est limpide, incisive et intense, elle entretient une tension au fil du récit.  On vit chaque jour au coeur de ce procès.  Le récit est habile et haletant.  Petit bémol pour ma part, j'aurais aimé que la fin du récit soit un peu plus travaillée et développée , elle m'a semblée un peu moins réaliste par rapport au reste.  Mais ce n'est qu'une impression , c'est un très bon roman à découvrir.

Ma note :  8.5/10





Les jolies phrases

Un procès d’assises, c’est une partie d’échecs, dit le bon sens populaire. Rien n’est plus faux.  François est bien placé pour savoir que ça ressemble davantage à une première à l’Opéra. Avant d’entrer en scène, chacun enfile son costume. La partition a été travaillée longtemps à l’avance. Lorsque se lève le rideau, tout est déjà en place. Le décor est immuable. L’avocat général, un ténor en robe rouge, poursuit de sa colère un contre-alto enfermé dans un box. Devant lui, un baryton vêtu d’une robe noire se dresse pour prendre sa défense. Sur le banc de la partie civile, une frêle soprano pousse sa complainte. Et le chœur des jurés, en fond de scène, est convaincu qu’il tient le drame entre ses mains. Bien entendu, il arrive parfois que le baryton triomphe du ténor. Que le chœur surprenne par sa clémence. Mais c’est si rare. Pour un coup de théâtre, une année judiciaire compte cent verdicts tout à fait prévisibles. Rien à voir avec une partie d’échecs. Présider aux assises, c’est s’illustrer dans l’art de la mise en scène.

La franchise est devenue dans ce pays le dernier des péchés.

Délire antiraciste.  ceux qui ne l'ont jamais subi ne peuvent pas comprendre ce que c'est, le racisme.  Ils se figurent que c'est la haine, le mépris, les portes qui te claquent au visage.  Si ce n'était que ça ! En vérité, le pire se déroule à l'intérieur de soi, dans un petit théâtre intime, envahi de doutes et de névroses.  Les insultes et le mépris, tu passes outre.  Tu te rassures dans le regard de ceux qui savent te témoigner la même indifférence que n'importe quel Blanc.  Dans l'ombre, pourtant, tu accumules. Tu nourris des soupçons.  Un véritable cancer.  Il suffit alors d'un regard, d'une intonation, de l'emploi de tel mot plutôt qu'un autre pour que la plus aimable des mamies déclenche une crise.

Alors il a compris.  Depuis que le port du voile était interdit dans les transports publics, de nombreuses mères du Plateau avaient cessé de prendre le bus.  Il s'est énervé, a haussé le ton.  Sa mère faisait le marché pour ses voisines ?  Elle avait fui la guerre et les barbus ?  Elle dont la soeur avait été égorgée pour avoir noué son voile de travers, voilà qu'elle faisait le larbin pour toutes celles qui s'entêtaient à le porter !

La première génération d'immigrés s'était fait exploiter sans moufter, la seconde avait brûlé des voitures, la troisième se laissait pousser la barbe. 

Les Blancs ne s'imaginent pas comme il est confortable d'être blanc.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai bien aimé ce livre. Le Thème est original, Emmanuel Flech a un style bien à lui et son livre n'est pas un polar mais on se régale en attendant la fin.
Signé Laurence Savane.