mercredi 14 octobre 2015

Camille, mon envolée... Sophie Daull

Camille, mon envolée

Sophie Daull



Philippe Rey
Date de parution : 20/08/2015
ISBN : 978-2-84876-468-9
Format : 14.5 x 22 cm
Pages : 192
Prix : 16.00 €

Présentation de l'éditeur


Dans les semaines qui ont suivi la mort de sa fille Camille, 16 ans, emportée une veille de Noël après quatre jours d’une fièvre sidérante, Sophie Daull a commencé à écrire.
Écrire pour ne pas oublier Camille, son regard « franc, droit, lumineux », les moments de complicité, les engueulades, les fous rires ; l’après, le vide, l’organisation des adieux, les ados qu’il faut consoler, les autres dont les gestes apaisent… Écrire pour rester debout, pour vivre quelques heures chaque jour en compagnie de l’enfant disparue, pour endiguer le raz de marée des pensées menaçantes.
Loin d’être l’épanchement d’une mère endeuillée ou un mausolée – puisque l’humour n’y perd pas ses droits –, ce texte est le roman d’une résistance à l’insupportable, où l’agencement des mots tient lieu de programme de survie : « la fabrication d’un belvédère d’où Camille et moi pouvons encore,
radieuses, contempler le monde ».

« Dans les jours d’après, nous distribuerons tes soixante-dix-sept peluches, une par une ou deux par deux, à des fossés dans les campagnes, à des clairières, à des rochers. C’est joli, ces ours, ces lapins, ces petits chats abandonnés sur les tapis de mousse, prenant la pluie sous les marguerites. »

L'auteur nous en parle





Biographie Sophie Daull





C'est l'étude de la musique au Conservatoire National Supérieur de Strasbourg qui éveille très tôt et pour toujours Sophie Daull à la pratique artistique. Après dix ans d’études de piano et de chant, elle intègre pour quatre ans une petite compagnie belfortaine (Le Théâtre du Pilier), puis s'installe à Paris pour y parfaire sa formation et y étudier la danse contemporaine. Les spectacles s'enchaînent au fil des rencontres : Hubert Colas (Terre, Nomades), Jacques Lassalle (Andromaque d'Euripide à Avignon en 1995), Alain Barsacq et Agathe Alexis (Conviction Intime et Projection Privée de Rémi de Vos, Résidence tous Risques de Slavkine), Jean Gaudin (Les Autruches), Flavio Polizzy, (C’est toute ma vie, d’après Charlotte Salomon)...

Depuis 2010 elle collabore régulièrement avec Brigitte Jaques-Wajeman sur le cycle "colonial" de Corneille (Nicomède, Surena, Pompée, et Sophonisbe) ainsi que sur Tendre et Cruel de Crimp et Tartuffe de Molière). Elle est également partenaire des créations de la compagnie SAMBRE dirigée par l’auteure et metteure en scène Carole Thibaut (Été, Les Petites Empêchées, Avec le couteau le Pain, L’Enfant-Drame Rural).

On entend régulièrement sa voix sur France Culture, dans Surpris par la Nuit, ou La Fabrique de l’Histoire ainsi que sur diverses dramatiques : elle était notamment Barbara dans le feuilleton réalisé par Juliette Heymann : « Il était un Piano Noir ».

Tous les dix ans, elle se lance dans un « seule en scène » : en 1988, une petite forme autour de Debussy, en 1998, Max Gericke de Manfred Karge et en 2008, Je Suis la Bête d'Anne Sibran. Son premier roman, Camille, mon Envolée fait partie de la rentrée littéraire 2015. Source : le figaro.fr


Mon avis

Quel courage Sophie Daull d'écrire ce témoignage d'amour, ce bel hommage à Camille.

Camille a seize ans, c'est une fille remplie de joie de vivre et soudain en quatre jours, à l'approche de Noël, la vie s'échappera peu à peu d'elle.  Quatre jours remplis de courage, quatre jours de désespoir, d'impuissance, quatre jours de fièvre.  Une mauvaise grippe ?

Malgré l'insistance et la prévenance de ses parents, juste une ordonnance de Doliprane sans qu'aucun médecin ne prenne la peine d'ausculter Camille.  Des urgences inefficaces qui amèneront à l'envolée de Camille.


Que de rage, de fureur, de colère en lisant ce récit. Je salue encore le courage et comprend la nécessité de sa maman - Sophie Daull - d'écrire dans les semaines qui suivirent ce très beau récit pour rendre hommage à sa fille, un passage obligé, indispensable pour tenir debout et continuer à avancer.

Quelle écriture ! J'ai été très émue à la lecture, triste, révoltée, j'ai pleuré, je suis restée sans voix mais j'ai aussi souri car ce livre c'est aussi la vie, il est lumineux et positif.

L'écriture est forte, puissante.

La construction du roman est en deux parties. Une partie écrite "à chaud" dans un cahier d'écolier au moment du décès, la seconde s'étale sur les quelques semaines et mois qui l'ont suivi.

Le récit s'adresse à sa fille avec qui Sophie Daull, comédienne, partageait beaucoup du monde du théâtre.  Elle lui raconte les réactions de chacun, des proches, jour après jour.  Lui parle de l'attente des résultats de l'autopsie, de ce qui l'a au final emportée.

C'est un magnifique témoignage d'amour, une thérapie nécessaire pour amorcer une guérison, pour avancer, tenir.  J'ai ressenti à la lecture de ce récit de l'espoir, du réconfort.  C'est lumineux, un vrai puits d'amour sincère.  Avec simplicité, précision, spontanéité mais aussi avec humour.

Un immense coup de coeur.


Une lecture commune avec mon binôme  Les petites lectures de Scarlett, son billet se trouve ici


Les jolies phrases

Je supporte mal l'idée de vivre encore moins un temps long comme ta vie, seize ans.  Et pourtant mon espérance de vie statistique m'y condamne à coup sûr.

Parce que maintenant, tu sais, tu as une auréole.  Ce sont nos larmes, et l'onde d'amour autour de ta mort, et le vertige de l'injustice, et le souvenir de ta beauté qui l'ont tressée.

Ce sont des moments pleins d'inquiétude, avec des visions terribles qu'il faut chasser très vite, des boucles de malheur qui nous assaillent Delphine et moi, notre père, notre mère, l'intuition affreuse de la répétition, des ailes de la mort qui reviennent obscurcir la raison, masquer le soleil de la logique : une enfant de 16 ans ne meurt pas.

J'ai tout de suite compris que le silence de la pièce et la profondeur des fauteuils n'avaient d'autre raison d'être que d'amortir les mauvaises nouvelles, les très mauvaises nouvelles.

Dans cette maison, on s'aimait, on s'engueulait, on riait ; on était délicieusement libre de s'aimer, de s'engueuler, de rire.  Ton jeune sang et le nôtre un peu plus épais formaient un fleuve intranquille où l'avenir battait pavillon.

Je voudrais te dire deux, trois minuscules choses qui te mettent au présent, qui mettent ta mort au présent, puisque ce souvenir durera toujours, qu'il faut que tu dures toujours.

Je n'ai qu'une envie, c'est d'être avec papa et continuer à écrire ce texte.  D'être avec toi, donc écrire c'est te prolonger.

Une autre chose : nous n'avons pas de nom.  Nous ne sommes ni veufs, ni orphelins.  Il n'existe pas de mot pour désigner celui ou celle qui a perdu un enfant.

Pour la première fois une sensation d'un baume.  Les larmes des autres tapissaient notre douleur, la matelassaient en quelque sorte.

Le vrai ravage c'est toi, toi qui n'es plus là.  Trois c'est 2 + 1, maintenant c'est 2 -1. Tu butinais de l'un à l'autre, tu faisais la valeur d'équilibre, le fléau de la balance. Maintenant c'est le fléau tout court, et c'est le vide qui doit faire l'équilibre.

J'écris comme on dépollue les sols devenus infestés par une catastrophe industrielle.

Le niveau baissera-t-il un jour ?  Et si oui, quel sera l'état des ruines après ton glissement de terrain ?  Zone non constructible.  Mon enfant morte, ma si belle chérie, ne laisse rien, surtout, repousser sur ton Pompéi.  On est bien dans tes cendres.

Je voulais aller nulle part.  Mais il n'y a pas de nulle part.  Je le savais déjà mais, depuis que tu es morte, ça me manque vraiment, un endroit où disparaître.




2 commentaires:

Anonyme a dit…

Une lecture qui restera longtemps en tête ! Ton billet exprime bien ce ressenti ! Je suis heureuse de l'avoir partagée avec toi cette lecture !

Manika a dit…

Très beau post !