mardi 8 juin 2021

Le démon de la colline aux loups - Dimitri Rouchon-Borie ♥♥♥♥♥

 Le démon de la colline aux loups - Dimitri Rouchon-Borie  ♥♥♥♥♥














Le Tripode
Parution : 07 janvier 21
Pages : 240
Isbn : 9782370552570
Prix : 17 €


Présentation de l'éditeur



Un homme se retrouve en prison. Brutalisé dans sa mémoire et dans sa chair, il décide avant de mourir de nous livrer le récit de son destin.

Écrit dans un élan vertigineux, porté par une langue aussi fulgurante que bienveillante, Le Démon de la Colline aux Loups raconte un être, son enfance perdue, sa vie emplie de violence, de douleur et de rage, d’amour et de passion, de moments de lumière... Il dit sa solitude, immense, la condition humaine.

Le Démon de la Colline aux Loups est un premier roman. C’est surtout un flot ininterrompu d’images et de sensations, un texte étourdissant, une révélation littéraire.


L'illustration de couverture a été réalisée par Clara Audureau.


Lauréat du Prix Première de la RTBF

L’Auteur

Dimitri Rouchon-Borie est né en 1977 à Nantes. Il est journaliste spécialisé dans la chronique judiciaire et le fait divers. Il est l’auteur de Au tribunal, chroniques judiciaires (La Manufacture de livres, 2018). Le Démon de la Colline aux Loups est son premier roman.



Mon avis

Quelle claque !  Ce premier roman est magnifique mais je vous préviens, âmes sensibles, accrochez-vous !

Duke le narrateur est en prison, il nous raconte comment du statut de victime il est devenu bourreau.  

C'est un récit poignant, palpitant, impossible à poser une fois sa lecture entamée car on est pris par le récit dès que l'on a passé le cap de cette écriture singulière quasi dépourvue de ponctuation.  Un langage totalement adapté au personnage, à sa vie, à son vécu.  

Il commence par sa petite enfance qu'il nous décrit avec son "parlement" si particulier, lui qui n'a pas eu accès à une éducation affective et scolaire.  

C'est la maison de l'horreur située sur la colline aux loups, une petite enfance horrible, volée, saccagée.  Duke, imaginez-vous qu'il ne connaîtra son prénom que le jour où après le passage de l'assistance sociale, on l'enverra à l'école obligatoire.

Duke a grandi dans le "nid"  avec ses frères et soeurs dont il ne connaît pas les prénoms,  dans une pièce avec de nombreux chats et leurs déjections, une gamellle au sol une fois par jour pour les nourrir, enfin quand il y en avait une !

Une enfance sauvage, coupée du monde et des contacts sociaux avec en prime violence et maltraitance extrême que ce soit au dedans ou au dehors lorsqu'il découvrira le monde et l'école.  

Duke sent en lui grandir ce qu'il appelle "le démon de la colline" qu'il essaie tant bien que mal de contenir au fond de lui - jusqu'au jour où l'innomable arrivera ; le viol par le père  et la descente aux enfers.

On comprendra petit à petit ce qui l'a amené à la prison.  Duke est touchant, attachant, victime ou coupable ?  On peut vraiment se poser les questions car comment survivre et réagir à cette révolte qui grandit en lui ?   C'est d'une noirceur extrême mais au bout de ce récit il y a la lumière...

On s'attache à Duke et croyez-moi, vous ne l'oublierez pas de si tôt.  Duke a la naïveté, cette ingénuité qui touche.  Il aime le beau, la nature qui l'apaise, il sait aimer et va avoir envie de trouver la rédemption en lisant des textes religieux, mystiques.

Il est sa vie durant à la recherche d'un équilibre luttant contre le mal qui le possède.  il a un bon fond mais parfois le surplus de violence subie provoque un électrochoc et fait remonter ses douloureux souvenirs jusqu'au débordement .. et à l'horreur,  convaincu d'être possédé par le mal, par la folie qui rongeait son père, une fatalité.

On passe par toutes les émotions à la lecture de ce récit écrit de main de maître par Dimitri Rouchon-Borie, chroniqueur judiciaire.  Il explore les tréfonds de l'âme humaine avec une langue réinventée adaptée au récit et à la sensibilité du personnage.

Un uppercut littéraire à découvrir d'urgence.

Prix Première 2021.  Premier roman

C'est un gros ♥♥♥♥♥





Les jolies phrases

Je vais écrire des choses sales et je voudrais que vous me pardonniez même si lire c'est moins pire que subir on voudrait tous être épargnés.


La maîtresse était une femme, c'est maintenant que je le dis à cet âge j'étais un animal et je reniflais juste les gens pour m'inspirer de ce que m'apprenait leur odeur.  Elle elle sentait le printemps et la pluie et quand je la regardais j'entendais tomber les gouttes depuis une gouttière imaginaire. 

Il a demandé vous pensez que votre âme peut être sauvée ? 
Je ne savais pas quoi répondre à ça mais j'avais une idée au sujet des âmes car c'est un sujet qui m'obsédait comme la conscience je lui ai dit que je ne voulais pas laisser sur la terre le Démon pour qu'un autre l'attrape et qu'on avait bien les vaccins pour les épidémies pourquoi on avait rien pour les démons, et c'est à cause de ça que j'en étais là où j'en étais.

On peut vivre longtemps dans le mal sans que rien ne change mais le bien fait bouger les choses parfois c'est une bonne option parfois non.

Ce qui est étrange avec la fin de mon enfance et la disparition du nid c'est que ça m'a beaucoup interessé de faire le parallèle parce que c'était l'horreur mais au fond c'était notre paradis et rien n'a été mieux que cela.

Je suis resté chez Pete et Maria des années et tout allait bien car leur façon de fabriquer des habitudes me protégeait du Démon. J'ai compris cette chose-là c'est qu'ils s'occupaient de moi et tant qu'ils le faisaient je pouvais compter sur eux c'était comme museler un fauve en lui faisant des caresses. Je sentais bien que j'avais à l’intérieur une trace qui ne partait pas c'était la déchirure de l'enfance c'est pas parce qu'on a mis un pont au-dessus du ravin qu'on a bouché le vide. J'avais le manque des frères et sœurs et je n'osais pas demander parfois on voyait des juges ou des éducateurs et pas un ne me parlait de Clara ou de la Boule est-ce qu'ils pensaient à moi? Petit à petit j'avais commencé à m'intéresser à la solitude qui était une sorte de permanence au-dedans et à la fin on revient toujours à ce qui est constant mais je ne savais pas encore si c'était une porte fermée ou une porte à ouvrir je le tournais comme ça dans ma tête.

La mort de Billy m'a fait comprendre qu'on ne peut pas faire grand-chose pour les autres un peu mais c'est la limite et des fois un peu c'est déjà immense qui est bien capable de mesurer. J'attendais aussi que quelqu'un fasse ça pour moi mais ça n'est pas venu.

La Colline aux Loups c'était déjà une prison bien pire que tout imaginez-vous sous l'eau depuis le jour de votre naissance à retenir votre respiration en attendant une bouffée d'air qui ne vient pas ma vie c'est ça.

Alors j'avais demandé au psy ce qu'il fallait que je fasse pour plus subir mon héritage j'étais comme quelqu'un qui se débat avec un poids tu soules tu coules mais tu ne sais pas où est attachée la pierre. Le psy avait dit faites en sorte d'être heureux j'étais resté à le regarder il m'avait dit je vous provoque pas c'est la seule solution essayer d'avoir une vie normale un logement à vous une maison ce que vous voulez un labrador une petite copine et un travail vous verrez déjà ça changera tout.

La prison c'est comme le squat ça fait illusion d'une famille et quand on sort on a un manque parce que c'est comme enlever un vêtement trop serré qu'on a porté trop longtemps je ne sais pas si je suis clair. 

J'ai dit les hommes sont des choses vides et des fois leur vie se remplit de bien et des fois de mal et des fois c'est partagé et ça fait lutte. 

Je me dis qu’il faudrait que je demande au prêtre si la Colline aux Loups était une punition de Dieu dans ce cas ce serait terrible d’avoir commencé sa vie par la punition pour des choses que je n’avais pas encore faites.

1 commentaire:

Antigone a dit…

Déjà repéré plusieurs fois, tu es toi aussi très tentante !