jeudi 1 septembre 2022

Les petites amoureuses - Clara Benador

Les petites amoureuses - Clara Benador









Gallimard
La Blanche
Parution : 25 août 2022
Pages : 144
Isbn : Prix : 16 €


Présentation de l'éditeur

En 1941, Lola et les siens vivent à Vienne, en Isère. Pour fuir les persécutions contre les Juifs, ils quittent précipitamment la France et se réfugient à Casablanca. Dans cette cité foisonnante, la famille entame une existence d’expatriés, sans vraiment chercher à connaître ses habitants. Sauf Lola, qui profite de l’inattention de ses parents pour traîner dans les rues animées des quartiers populaires, et notamment à Bousbir, un quartier réservé à la prostitution de très jeunes femmes. Elle y fait la connaissance de Shéhérazade, une adolescente marocaine de son âge, avec qui elle noue une intense relation. Cette amitié interdite pousse progressivement Lola à sortir de l’enfance.

Dans ce premier roman, c’est l’atmosphère du Casablanca des années 1940 qui est magnifiquement ressuscitée, une ville où circulent les fantômes des stars du cinéma hollywoodien et ces deux adolescentes téméraires, en quête d’idéal.

Mon avis

Fin de l'été 41, c'est un nouvel exil qui se profile pour la famille Léopold; Maurice et Elena - les parents originaires d'Alsace - s'étaient établi à Vienne en Isère après la première guerre.  Maurice, âgé de 16 ans à l'époque, avait été condamné à mort.  Eté 41, un nouvel exil se profile pour le couple et ses enfants; Lola 12 ans et les jumeaux surnommés 'Les Zazzo'.  Juifs, français, la situation est trop risquée, ils fuient direction Casablanca.

J'ai beaucoup aimé l'écriture, l'évasion par l'imaginaire de Lola et des enfants sur le cargo, planqués dans la cambuse à s'imaginer sur le Queen Mary.  Ces passages m'on fait penser à l'écriture de Vian ou d'Olivier Bourdaut dans "En attendant Bojangles".

Ils arriveront à Casablanca.  Les adultes resteront entre français mais la nostalgie et l'ennui pousseront Lola à s'évader, à fuir dans la medina.  Ses pas la dirigeront vers Bousbir, le quartier des prostituées où elle rencontrera Shéhérazade, une danseuse  qui deviendra son amie.

En la côtoyant, elle quittera rapidement le monde de l'enfance.  C'est une belle amitié, elle va vouloir sauver Shéhérazade.  Tout se passe à Casablanca, joliment décrite; les couleurs, les odeurs, tout ça, on voyage sans oublier cependant les réalités de la guerre.

C'est un roman d'initiation, d'une amitié, le passage brutal de l'enfance à l'âge adulte mais le thème principal est "la fuite". La fuite de la réalité, d'un pays.  La fuite par l'imaginaire, par la danse, par la musique pour sa mère mais aussi la fuite de la répression, la fuite de la dictature pour Teodoro resté en France.

Une jolie plume, une belle découverte de la rentrée.  Un talent à suivre.

Ma note : 8.5/10



Les jolies phrases

Les nuits étaient des épreuves de survie durant lesquelles il valait mieux s'évader dans les rêves qui vous emportaient loin de cette cambuse surchauffée, de la crasse du sol, des cris des enfants, des pleurs de ceux qui n'en verraient pas le bout.
Quand les rêves l'abandonnaient, Lola ressentait les doux souvenirs de son enfance au bord du Rhône, se rassurant que tout cela avait existé.

Les vagues de la nausée, une fièvre glaciale, avaient fait monter en elle une autre personne, elle s'était échappée de la cambuse sans plus penser à sa famille.  Les puissances de la révolte s'étaient emparées de son corps et de son esprit.

Elle se sentait dépasssée tant les larmes s'étaient accumulées.  Elle ne parvenait pas non plus à tenir les Zazzo, les explications étaient pires que les mensonges, les enfants ne voyaient pas la différence et se méfiaient de ses promesses. 

Ce refuge provisoire avait ravivé les peurs ordinaires, survivre, ranger, s'adapter à un monde nouveau.

"En eahiras, en putains.  Ils dansent pour cette vie obtenue.  Ceux qui croient s'échapper sont des prisonniers du grand enfer où tout est étrange et où tout se confond. "

De là où elle venait, on ne tombait pas.  La loi de la rue, sa force, s'apprenait dans la danse, les filles luttaient pour la survie, quand l'unique espérance naissait de la violence.

Le Bousbir du matin avait un visage calme, la pureté et sa fraîcheur retrouvées, un son sourd de cage d'oiseau, une volière.

Les petites oubliées, les noms barrés, les orphelins, les âmes délaissées avaient leur place dans le souvenir, et c'est une jeune femme sortant d'une eau souillée qui s'engouffra sous le porche de l'immeuble où habitaient ses parents et où habitait celle qui s'appelait Lola, la petite fille qu'elle n'était plus. 

Pourquoi sortir de la petite prison pour entrer dans la grande. 

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