samedi 23 août 2025

Nourrices - Séverine Cressan ♥♥♥♥♥

 Nourrices  -  Séverine Cressan   ♥♥♥♥♥




















Dalva
Parution : 21 août 2025
Pages : 272
ISBN 978-2-4876-0046-1
Prix : 21,50 €



Présentation de l'éditeur




Dans ce village, c’est du corps des femmes qu’on tire l’argent qui fait vivre les familles. Car ici, on vend une denrée précieuse : le lait maternel. Sylvaine, son garçon à peine sevré, accueille chez elle une «petite de la ville». Mais une nuit, en pleine forêt, elle découvre un bébé abandonné et, à ses côtés, un carnet qui raconte son histoire. Elle recueille ce nourrisson avec lequel elle tisse immédiatement un lien fusionnel. Quand la petite dont elle a la garde meurt, Sylvaine décide d’échanger les bébés. L’enfant mystérieuse se substitue à Gladie, l’enfant de la ville qui lui a été confiée...
Avec ce premier roman sensuel et bouleversant, Séverine Cressan révèle les rouages troublants d’une industrie méconnue. Dans ces pages inoubliables, elle nous entraîne dans un univers où la nature et l’enchantement ne sont jamais loin et réinvente l’histoire de ces mères invisibles.


Séverine Cressan

Séverine Cressan, née en 1976 dans la région lyonnaise, est passionnée depuis toujours par la littérature et la découverte de nouveaux horizons. Son amour des mots l’a conduite vers des études de lettres modernes et d’allemand puis au professorat. Elle a enseigné en France, en Allemagne et en Belgique. Elle vit aujourd’hui sur la côte Atlantique, au sud de la Bretagne.






Mon avis

C'est un immense coup de cœur, un premier roman magnifique mettant en avant des femmes qui par nécessité sont devenues nourrices,  une ode à la maternité, à la femme, à la transmission et l'attachement et aux liens à la nature.

Un drôle de commerce a lieu dans la région, c'est la Chicane, alias Allouin le meneur qui en détient le monopole.  Il propose aux mères du village de vendre ce qu'elles ont de plus précieux, le lait maternel.  
La femme n'a juste aucun droit, juste celui de faire ce que son mari décide.  Elle ira en ville laissant son enfant ici s'il le décide et nourrira les enfants des autres.  

La Chicane lui s'enrichit sur ce commerce car c'est lui seul qui est l'intermédiaire, il conserve une partie de la pension à sa guise, il fixe les tarifs.  La marchandise ne manque pas car il y a la Tour d'Abandon où les bébés peuvent être déposés dans un tiroir.  Les conditions de survie sont difficiles.

Sylvaine vit dans la forêt avec son mari Andoche et leur fils Jehan maintenant sevré.  Elle va faire le voyage de deux jours en chariot avec d'autres pour la première fois et revenir avec Gladie une enfant de la ville.  Une nuit de lune rousse, elle est attirée vers l'extérieur, guidée par la nature et trouve l'enfant de la lune dans une clairière, auprès d'elle un mystérieux carnet.

Sylvaine va s'occuper de cet enfant et lorsque Gladie, trop faible périra, elle décide avec Andoche de substituer le bébé pour conserver sa réputation et la rente.

En parallèle on découvre le carnet dans lequel Zaïg nous raconte son parcours et l'histoire de l'enfant.

C'est un récit captivant, un enchantement, la plume est magnifique, très poétique en lien complet avec la nature, la terre originelle.  L'écriture est fluide, j'ai dévoré cette petite merveille qui bouleverse, émeut.

C'est l'amour maternel, l'attachement, le sort des femmes considérées comme la chose des hommes à leur disposition, c'est aussi la révolte, la solidarité , la sororité qui est décrite.  Ce livre est insitué tant dans le temps que dans l'espace car il est universel, toujours actuel , un roman féministe, engagé que j'ai adoré et qu'il faut absolument découvrir. 

Immense coup de cœur. ♥♥♥♥♥ 


Les jolies phrases

C'est la première fois qu'elle arpente les rues de la Ville, est confrontée à sa démesure, sa clameur, ses odeurs. Tout oppresse la jeune femme, agresse ses sens.  Elle a l'impression d'être entrée dans la gueule d'un animal monstrueux, se sent perdue, minuscule au milieu de cette foule bruyante, de cette multitude mue par des motifs qui lui échappent.  Tournis, vertige de tant d'impressions sensorielles inédites.  Est-ce cela que ressent un nouveau-né lorsqu'il sort du cocon protégé et doux de la matrice ?  Une lumière qui aveugle, des sons qui assourdissent, des odeurs qui donnent la nausée, des contacts rugueux qui malmènent. 

En s'entendant prononcer ce patronyme avec assurance, sans l'once d'une hésitation ni le moindre tremblement de voix, Sylvaine mesure le pouvoir de la parole qui fait exister ce qui n'est pas, par le simple fait de le nommer.


La pire chose c’est le non-dit, le tu. Même si on veut le dissimuler, l'enterrer soigneusement en érigeant des barrières, des barricades que l'on croit imprenables, le secret suinte, s'écoule de toutes parts comme une eau impossible à retenir dans un poing fermé. Tout individu trahi sait, au fond de lui, que quelque chose lui est caché. C'est un fardeau immense à porter, un de ces fardeaux qui vous écrasent au point de vous empêcher d'avancer. La plupart des hommes craignent la vérité, croient qu'elle va les empêcher de vivre. Au contraire, c'est le mensonge et le secret qui tuent. »


Qui peut vivre dans le monde sans savoir qui il est ? Et d'où il vient ? Personne. Les bêtes n'ont pas besoin de savoir cela, elles naissent, vivent et meurent sans question car elles sont les enfants de la terre. Les humains, c'est autre chose . Ils ont besoin de savoir sinon, ils passent leur vie à chercher le point d'ancrage qui leur fait défaut. Ce faisant, ils en oublient de vivre


Rares sont les humains qui osent se regarder tels qu'ils sont. Encore plus rares sont ceux qui osent se montrer aux autres dans leur vérité nue. J'ai pensé qu'elle avait raison. Que si on avait le courage de regarder les choses en face, les filles seraient pas obligées de faire des choses pareilles.

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