Valentine Goby
#MRL16
Actes Sud
Août, 2016
11,5 x 21,7
272 pages
ISBN 978-2-330-06648-2
prix indicatif : 19, 80€
Présentation de l'éditeur
Au milieu des années 1950, Mathilde sort à peine de l’enfance quand la tuberculose envoie son père et, plus tard, sa mère au sanatorium d’Aincourt. Cafetiers de La Roche-Guyon, ils ont été le coeur battant de ce village des boucles de la Seine, à une cinquantaine de kilomètres de Paris.
Doué pour le bonheur mais totalement imprévoyant, ce couple aimant est ruiné par les soins tandis que le placement des enfants fait voler la famille en éclats, l’entraînant dans la spirale de la dépossession. En ce début des Trente Glorieuses au nom parfois trompeur, la Sécurité sociale protège presque exclusivement les salariés, et la pénicilline ne fait pas de miracle pour ceux qui par insouciance, méconnaissance ou dénuement tardent à solliciter la médecine.
À l’âge où les reflets changeants du fleuve, la conquête des bois et l’insatiable désir d’être aimée par son père auraient pu être ses seules obsessions, Mathilde lutte sans relâche pour réunir cette famille en détresse, et préserver la dignité de ses parents, retirés dans ce sanatorium – modèle architectural des années 1930 –, ce grand paquebot blanc niché au milieu des arbres.
“Un désastre architectural m’offre le contexte de ce roman, une rencontre avec une femme incroyable en fait un chant d’amour. Le bâtiment est le jadis splendide sanatorium d’Aincourt, tombé en ruine au milieu de la forêt, dont la mémoire disparaît sous les gravats. L’histoire d’amour est celle d’une fille pour son père et pour sa famille, au début des années 1960.
La famille dont je parle tient un café au centre de La Roche-Guyon, et Paul Blanc est le centre du café. Il est la figure solaire qui attire tous les regards – joueur d’harmonica, clown, confident, ami fantasque et généreux jusqu’à l’inconscience – y compris celui de sa fille Mathilde, garçon manqué qui ne recule devant rien pour éblouir son père. Elle est la reine du royaume de La Roche, son fleuve, ses douves, ses ronciers, ses bois. Autour de Paul Blanc tournent deux autres enfants pareillement aimantés, et une épouse solide comme le roc. Nulle tragédie ne semble pouvoir venir à bout d’un tel amour, le plus grand amour, Mathilde en est sûre… pas même la tuberculose, qui fait une entrée fracassante dans leur existence et emporte tout, santé, travail, logement, les disloque entre services sociaux et sanatorium.
Mathilde devient le centre de ce corps éclaté. J’ai voulu, encore une fois, mettre en lumière l’extraordinaire capacité de résistance des plus éprouvés. Dans la France des Trente Glorieuses, de la Sécurité sociale et des antibiotiques, qui à certains donnent l’illusion de l’immortalité, la maladie reste, comme le dit Jean-Paul Sartre évoquant la peste, une exagération des rapports de classe. À force de volonté, d’abnégation et d’une audace qui frise le scandale, Mathilde tente de redonner dignité à ceux qu’elle aime. Mineure émancipée, rebelle à tout compromis liberticide (protection sociale contre docilité), elle porte les siens à bout de bras et incarne cette fille puissante et combative que commande l’étymologie de son prénom. Elle refuse la fatalité, la spirale de la dépossession, elle est l’enchanteresse, qui rallume les feux éteints et cherche sans cesse la joie.
Un tel projet ne va pas sans sacrifices. Mathilde a neuf ans au début de l’histoire, à peine dix-neuf au coeur de la tragédie. L’adolescente bouillonnante de vie s’abîme dans la mission qu’elle s’est donnée, écrasée de responsabilités qui ne sont pas de son âge. Ce sont des présences merveilleuses, parfois inattendues qui la relèvent et la sauvent : Jeanne la simplette du village qui ne craint pas les bacilles, Jacques le petit frère mélancolique, Walid le Marocain qui incarne une promesse d’évasion ; et surtout la directrice du lycée de Mantes-la-Jolie, qui lui ouvre les portes d’un monde plus vaste à travers les journaux, une langue et une géographie nouvelles, et notamment l’évocation de la guerre d’Algérie où résonnent singulièrement les mots « indépendance » et « liberté ».
Le « paquebot », c’est l’autre nom donné aux sanatoriums construits dans les années 1930, qui ressemblaient à de vastes navires avec leurs terrasses exposées plein sud et leur architecture massive. Cette évocation d’un bateau voguant sur un océan de verdure, de préférence à celle du sana en retrait du monde, dit à sa façon le désir de Mathilde de se hisser vers la lumière, en capitaine de vaisseau.”
Mon avis
Valentine Goby m'avait touchée avec le très dur mais magnifique "Kinderzimmer". La magie de sa plume a à nouveau opérer pour son nouvel opus "Un paquebot dans les arbres" qui est inspiré d'une histoire vraie, c'est une des caractéristiques de l'auteure.
Quelques jours après la lecture, je suis toujours émue et Mathilde est toujours dans mes pensées.
Un paquebot ? il s'agit en fait d'un sanatorium. Un bâtiment conçu dans l'architecture des années trente, qui en son temps devait être magnifique. Trois grands bâtiments aux terrasses individuelles exposées plein sud, perdu dans les forêts d'Aincourt à une cinquantaine de kilomètres de Paris. C'est là que les tuberculeux venaient en cure dans les années soixante.
Paul Blanc est un pilier dans le village, il s'occupe de la fanfare, des majorettes, des kermesses, du bal du samedi soir. Avec Odile son épouse il gère le bistrot du village, le Baltot, point de rencontre et de rendez-vous. Il a trois enfants, Annie l'aînée qui très vite se mariera, s'échappera du village, Mathilde notre narratrice, véritable garçon manqué , 9 ans au début du récit et le petit Jacques.
Mathilde fait tout pour être aimée de son père à qui elle voue un amour sans limite. On vit bien chez les Blanc, sans compter, sans mettre de côté, on est généreux, insouciant.
Un dimanche, Paulot est victime d'un accident de voiture, les côtes froissées dit-il, il refuse de voir un médecin, pourtant, c'est grave, il a un poumon perforé, une pleurésie. Il fera un premier séjour au sanatorium d'Aincourt. On parle de tuberculose, le bistrot se vide, les gens lui tournent le dos et commence alors petit à petit la déchéance, la pauvreté, la maladie...
Mathilde n'est encore qu'une grande ado et elle n'en revient pas que ce soit cher pour se soigner, que ses parents n'aient pas la sécurité sociale.
A la rechute des ses parents car Odile a elle aussi un peu de tuberculose, c'est elle qui va se battre pour conserver le noyau familial, avoir une famille unie. C'est le destin d'une fille qui va se dévouer, s'oublier pour le bien de ses proches.
Tout cela se passe sur fond d'indépendance de l'Algérie. Un récit tout simplement magnifique, poignant. Que de résignation et de pugnacité dans la vie de Mathilde. Elle hante encore mes pensées bien après la lecture. Un personnage magnifique empreint d'émotions que l'écriture captivante de Valentine Goby nous la fait ressentir.
Oh que je n'avais pas envie que le récit se termine cinquante ans plus tôt, que j'aurais aimé la suivre encore et voir comment elle a pu se construire après tout cela.
Un coup de coeur que je vous invite à lire.
Merci à Rakuten, Price Minister pour cette belle découverte.
Les jolies phrases
L'ennui est pire que la douleur, il n'existe pas de remède chimique à l'ennui.
Elle lui en veut de son inconscience, que souvent elle chérit car elle tient le malheur à distance.
L'éternité commence dans les arbres. Là-bas dans l'ombre, sous le châtaignier, le père et l'arbre se confondent, gris et muets ; ils ont des racines profondes, ils sont vieux et ne meurent jamais.
La maladie a banni les Blanc, la misère les ramène. Ils reviennent en perdants. Ils vont d'une solitude à l'autre. La pire est celle qui vient, celle du paria, paraiyar, hors caste parmi les siens dans la langue tamoule du XVIe siècle. L'exil était moins cruel.
Changer de maison, de famille, de vêtements. Qui sait, à force, tu ne deviens pas quelqu'un d'autre.
La mémoire est une somme d'images vivantes et de fenêtres murées.
La vie est dure avec vous, vous n'y êtes pour rien, avec moi elle est douce et je n'y suis pour rien non plus. La seule chose possible, c'est confier la malchance à la chance, compter sur la contagion vertueuse, vous comprenez ?
Le ventre d'Annie. Il tient la distance de toute contrainte autre que lui, arme, armure, frontière, rempart, abri. Annie est intouchable car elle va être mère. Son ventre est une permission de repli supplémentaire contre laquelle tout reproche se fracasse. La grossesse est une île.
la page 194
Mieux vaut la liberté dans la pauvreté que la richesse dans l'esclavage. Est-ce qu'on peut être libre sans argent ? Mathilde le sait, la pauvreté est une prison. N'empêche, elle a voulu son émancipation..
Dans le cadre des
ISBN 978-2-330-06648-2
prix indicatif : 19, 80€
Présentation de l'éditeur
Au milieu des années 1950, Mathilde sort à peine de l’enfance quand la tuberculose envoie son père et, plus tard, sa mère au sanatorium d’Aincourt. Cafetiers de La Roche-Guyon, ils ont été le coeur battant de ce village des boucles de la Seine, à une cinquantaine de kilomètres de Paris.
Doué pour le bonheur mais totalement imprévoyant, ce couple aimant est ruiné par les soins tandis que le placement des enfants fait voler la famille en éclats, l’entraînant dans la spirale de la dépossession. En ce début des Trente Glorieuses au nom parfois trompeur, la Sécurité sociale protège presque exclusivement les salariés, et la pénicilline ne fait pas de miracle pour ceux qui par insouciance, méconnaissance ou dénuement tardent à solliciter la médecine.
À l’âge où les reflets changeants du fleuve, la conquête des bois et l’insatiable désir d’être aimée par son père auraient pu être ses seules obsessions, Mathilde lutte sans relâche pour réunir cette famille en détresse, et préserver la dignité de ses parents, retirés dans ce sanatorium – modèle architectural des années 1930 –, ce grand paquebot blanc niché au milieu des arbres.
“Un désastre architectural m’offre le contexte de ce roman, une rencontre avec une femme incroyable en fait un chant d’amour. Le bâtiment est le jadis splendide sanatorium d’Aincourt, tombé en ruine au milieu de la forêt, dont la mémoire disparaît sous les gravats. L’histoire d’amour est celle d’une fille pour son père et pour sa famille, au début des années 1960.
La famille dont je parle tient un café au centre de La Roche-Guyon, et Paul Blanc est le centre du café. Il est la figure solaire qui attire tous les regards – joueur d’harmonica, clown, confident, ami fantasque et généreux jusqu’à l’inconscience – y compris celui de sa fille Mathilde, garçon manqué qui ne recule devant rien pour éblouir son père. Elle est la reine du royaume de La Roche, son fleuve, ses douves, ses ronciers, ses bois. Autour de Paul Blanc tournent deux autres enfants pareillement aimantés, et une épouse solide comme le roc. Nulle tragédie ne semble pouvoir venir à bout d’un tel amour, le plus grand amour, Mathilde en est sûre… pas même la tuberculose, qui fait une entrée fracassante dans leur existence et emporte tout, santé, travail, logement, les disloque entre services sociaux et sanatorium.
Mathilde devient le centre de ce corps éclaté. J’ai voulu, encore une fois, mettre en lumière l’extraordinaire capacité de résistance des plus éprouvés. Dans la France des Trente Glorieuses, de la Sécurité sociale et des antibiotiques, qui à certains donnent l’illusion de l’immortalité, la maladie reste, comme le dit Jean-Paul Sartre évoquant la peste, une exagération des rapports de classe. À force de volonté, d’abnégation et d’une audace qui frise le scandale, Mathilde tente de redonner dignité à ceux qu’elle aime. Mineure émancipée, rebelle à tout compromis liberticide (protection sociale contre docilité), elle porte les siens à bout de bras et incarne cette fille puissante et combative que commande l’étymologie de son prénom. Elle refuse la fatalité, la spirale de la dépossession, elle est l’enchanteresse, qui rallume les feux éteints et cherche sans cesse la joie.
Un tel projet ne va pas sans sacrifices. Mathilde a neuf ans au début de l’histoire, à peine dix-neuf au coeur de la tragédie. L’adolescente bouillonnante de vie s’abîme dans la mission qu’elle s’est donnée, écrasée de responsabilités qui ne sont pas de son âge. Ce sont des présences merveilleuses, parfois inattendues qui la relèvent et la sauvent : Jeanne la simplette du village qui ne craint pas les bacilles, Jacques le petit frère mélancolique, Walid le Marocain qui incarne une promesse d’évasion ; et surtout la directrice du lycée de Mantes-la-Jolie, qui lui ouvre les portes d’un monde plus vaste à travers les journaux, une langue et une géographie nouvelles, et notamment l’évocation de la guerre d’Algérie où résonnent singulièrement les mots « indépendance » et « liberté ».
Le « paquebot », c’est l’autre nom donné aux sanatoriums construits dans les années 1930, qui ressemblaient à de vastes navires avec leurs terrasses exposées plein sud et leur architecture massive. Cette évocation d’un bateau voguant sur un océan de verdure, de préférence à celle du sana en retrait du monde, dit à sa façon le désir de Mathilde de se hisser vers la lumière, en capitaine de vaisseau.”
Mon avis
Valentine Goby m'avait touchée avec le très dur mais magnifique "Kinderzimmer". La magie de sa plume a à nouveau opérer pour son nouvel opus "Un paquebot dans les arbres" qui est inspiré d'une histoire vraie, c'est une des caractéristiques de l'auteure.
Quelques jours après la lecture, je suis toujours émue et Mathilde est toujours dans mes pensées.
Un paquebot ? il s'agit en fait d'un sanatorium. Un bâtiment conçu dans l'architecture des années trente, qui en son temps devait être magnifique. Trois grands bâtiments aux terrasses individuelles exposées plein sud, perdu dans les forêts d'Aincourt à une cinquantaine de kilomètres de Paris. C'est là que les tuberculeux venaient en cure dans les années soixante.
Paul Blanc est un pilier dans le village, il s'occupe de la fanfare, des majorettes, des kermesses, du bal du samedi soir. Avec Odile son épouse il gère le bistrot du village, le Baltot, point de rencontre et de rendez-vous. Il a trois enfants, Annie l'aînée qui très vite se mariera, s'échappera du village, Mathilde notre narratrice, véritable garçon manqué , 9 ans au début du récit et le petit Jacques.
Mathilde fait tout pour être aimée de son père à qui elle voue un amour sans limite. On vit bien chez les Blanc, sans compter, sans mettre de côté, on est généreux, insouciant.
Un dimanche, Paulot est victime d'un accident de voiture, les côtes froissées dit-il, il refuse de voir un médecin, pourtant, c'est grave, il a un poumon perforé, une pleurésie. Il fera un premier séjour au sanatorium d'Aincourt. On parle de tuberculose, le bistrot se vide, les gens lui tournent le dos et commence alors petit à petit la déchéance, la pauvreté, la maladie...
Mathilde n'est encore qu'une grande ado et elle n'en revient pas que ce soit cher pour se soigner, que ses parents n'aient pas la sécurité sociale.
A la rechute des ses parents car Odile a elle aussi un peu de tuberculose, c'est elle qui va se battre pour conserver le noyau familial, avoir une famille unie. C'est le destin d'une fille qui va se dévouer, s'oublier pour le bien de ses proches.
Tout cela se passe sur fond d'indépendance de l'Algérie. Un récit tout simplement magnifique, poignant. Que de résignation et de pugnacité dans la vie de Mathilde. Elle hante encore mes pensées bien après la lecture. Un personnage magnifique empreint d'émotions que l'écriture captivante de Valentine Goby nous la fait ressentir.
Oh que je n'avais pas envie que le récit se termine cinquante ans plus tôt, que j'aurais aimé la suivre encore et voir comment elle a pu se construire après tout cela.
Un coup de coeur que je vous invite à lire.
Merci à Rakuten, Price Minister pour cette belle découverte.
Les jolies phrases
L'ennui est pire que la douleur, il n'existe pas de remède chimique à l'ennui.
Elle lui en veut de son inconscience, que souvent elle chérit car elle tient le malheur à distance.
L'éternité commence dans les arbres. Là-bas dans l'ombre, sous le châtaignier, le père et l'arbre se confondent, gris et muets ; ils ont des racines profondes, ils sont vieux et ne meurent jamais.
La maladie a banni les Blanc, la misère les ramène. Ils reviennent en perdants. Ils vont d'une solitude à l'autre. La pire est celle qui vient, celle du paria, paraiyar, hors caste parmi les siens dans la langue tamoule du XVIe siècle. L'exil était moins cruel.
Changer de maison, de famille, de vêtements. Qui sait, à force, tu ne deviens pas quelqu'un d'autre.
La mémoire est une somme d'images vivantes et de fenêtres murées.
La vie est dure avec vous, vous n'y êtes pour rien, avec moi elle est douce et je n'y suis pour rien non plus. La seule chose possible, c'est confier la malchance à la chance, compter sur la contagion vertueuse, vous comprenez ?
Le ventre d'Annie. Il tient la distance de toute contrainte autre que lui, arme, armure, frontière, rempart, abri. Annie est intouchable car elle va être mère. Son ventre est une permission de repli supplémentaire contre laquelle tout reproche se fracasse. La grossesse est une île.
la page 194
Mieux vaut la liberté dans la pauvreté que la richesse dans l'esclavage. Est-ce qu'on peut être libre sans argent ? Mathilde le sait, la pauvreté est une prison. N'empêche, elle a voulu son émancipation..
Dans le cadre des
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