mardi 10 août 2021

La plus précieuse des marchandises - Jean-Claude Grumberg ♥♥♥♥♥

La plus précieuse des marchandises     Jean-Claude Grumberg ♥♥♥♥♥



 
















Points éditions P5268
Editeur d'origine  Seuil janvier 2019
Parution : 01/10/2020
Pages : 128
EAN 9782757878729
Prix : 5.70 €

Présentation de l'éditeur


"Un conte pour tout le monde. Bouleversant."

Léa Salamé, FRANCE INTER



Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron.

Non non non non, rassurez-vous, ce n’est pas Le Petit Poucet ! Pas du tout. Moi-même, tout comme vous, je déteste cette histoire ridicule. Où et quand a-t-on vu des parents abandonner leurs enfants faute de pouvoir les nourrir ? Allons...

Dans ce grand bois donc, régnaient grande faim et grand froid. Surtout en hiver. En été, une chaleur accablante s’abattait sur ce bois et chassait le grand froid. La faim, elle, par contre, était constante, surtout en ces temps où sévissait, autour de ce bois, la guerre mondiale.

La guerre mondiale, oui oui oui oui oui.

J.-Cl. Grumberg

L'auteur nous en parle




JEAN-CLAUDE GRUMBERG est auteur dramatique et scénariste (avec Truffaut, Costa-Gavras, etc.). Traduit en de nombreuses langues, La Plus Précieuse des marchandises a été couronné notamment par le prix spécial du jury du prix des Libraires, le prix des lecteurs de L’Express/BFM TV et le Grand prix de la SGDL. Jean-Claude Grumberg a publié au Seuil, dans « La Librairie du xxie siècle », Mon père. Inventaire (2003, « Points Essais », 2010) et Pleurnichard (2010, « Points Essais », 2020).

Mon avis

"Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron."  

C'est ainsi que commence ce conte qui ne nous raconte pas l'histoire du Petit Poucet dit-on....  Waouh quel tour de force !

Jean-Claude Grumberg nous raconte une histoire, est-elle vraie ou pas ?  nous demande-t-il, une histoire inspirée du drame de son enfance.

Un pauvre bûcheron qui travaille la journée pour l'occupant, pendant que la pauvre bûcheronne en manque d'enfant arpente ses bois, la faim au ventre à la recherche de fagots et de nourriture.  Dans sa forêt sa seule distraction, des rails et un train qui les parcourt chaque jour, il transporte des marchandises lui a dit le pauvre bûcheron.  Un matin, les Dieux du train accomplissent son rêve, un bébé enroulé dans un châle précieux lui est donné par le train.  Ce train c'est le convoi n¨49 qui vient de Drancy, nous sommes l'hiver 42.

On comprend de suite l'horreur... mais pour notre pauvre bûcheronne, ce cadeau devient "sa plus précieuse marchandise", et comme pour tout cadeau, il y a un prix à payer.

Il lui faut convaincre le pauvre bûcheron que les "Sans-coeur" en ont un...

C'est une histoire d'espoir, d'amour, de merveilleux au delà de l'horreur.

A aucun moment Grumberg n'évoque la Shoah.  Chaque mot est pesé, il nous parle de l'indicible sans le nommer.  En moins de cent pages l'auteur nous pose une multitude de questions; comment trouver le courage de cet acte, la force, l'abnégation?  Des dizaines de questions nous assaillent, c'est dense au niveau philosophique.

L'écriture est magnifique, tout est dit et pourtant rien n'est dit.  C'est simple, efficace, intense, puissant, inoubliable.  Quelle façon poétique de nous conter l'horreur.  L'histoire est-elle vraie ou pas ?  nous demande t-il pour conclure. 

Merci à Marc Filipson de m'avoir suggéré la lecture de ce livre inoubliable qui devrait être lu par tous.

Un gros coup de ♥

Les jolies phrases

Il était inutile de couper les cheveux en quatre et de chercher à comprendre, il n'y avait plus rien à comprendre.

Les jours suivants, pauvre bûcheron tout comme pauvre bûcheronne ne ressentirent plus que le poids des temps, ni la faim, ni la misère, ni la tristesse de leur condition.  Le monde leur parut léger et sûr malgré la guerre, ou grâce à elle, grâce à cette guerre qui leur avait fait don de la plus précieuse des marchandises. Ils partagèrent tous trois un plein fagot de bonheur, orné de quelques fleurs que le printemps leur offrait pour éclairer leur intérieur.

Effrayé et en même temps soulagé et fier, fier d'avoir crié à la face des autres, de s'être libéré, d'avoir fini soudain toute une vie de soummission et de mutisme.  Il marchait vers sa bûcheronne bien-aimée et vers la prunelle de ses yeux que l'alcool de bois n'avait pas réussi à détruire ce soir là.  Il marchait vers sa petite marchandise dont les dieux, ou on ne sait qui d'autre, lui avaient fait don.

Survivre.  Cette petite graine d'espoir, indestructible, il s'en moquait, la méprisait, la noyait sous des flots d'amertume, et pourtant elle ne cessait de croître,  malgré le présent, malgré le passé, malgré le souvenir de l'acte insensé qui lui avait valu que sa chère et tendre ne lui jette plus un regard, ne lui adresse plus une seule parole avant qu'ils ne se quittent sur ce quai de gare à la descente de ce train des horreurs.

N'en dit pas plus, je connais la noirceur du coeur des hommes, ton bûcheron et sa hache ont bien travaillé.  Et si tes tourmenteurs le justifient, je saurai à mon tour bien travailler. 

Nul ne peut rien gagner en ce bas monde sans consentir à y perdre un petit quelque chose, fût-ce la vie d'un être cher, ou la sienne propre.

Voilà la seule chose qui mérite d'exister dans les histoires comme dans la vie vraie.  L'amour, l'amour offert aux enfants, aux siens comme à ceux des autres.  L'amour qui fait que tout existe, et tout ce qui n'existe pas, l'amour qui fait que la vie continue.


2 commentaires:

Philippe D a dit…

Une fois de plus, tu me tentes, mais on ne sait malheureusement pas tout lire !

nathalie vanhauwaert a dit…

oui mais il se lit très vite, c'est un conte. Une lectuer indispensable !