vendredi 20 août 2021

Seule en sa demeure - Cécile Coulon ♥♥♥♥♥

Seule en sa demeure - Cécile Coulon ♥♥♥♥♥










L'iconoclaste
Parution : 19 août 2021
Pages : 336
Isbn : 9782378802400
Prix : 19 €


Présentation de l'éditeur

Au XIXe siècle, Aimée, 18 ans, épouse Candre Marchère et s'installe au domaine de la Forêt d'Or. Très vite, elle se heurte au silence du riche propriétaire terrien du Jura et à la toute puissance de sa servante, Henria. Elle cherche sa place dans cette demeure hantée par le fantôme d'Aleth, la première épouse. Jusqu'au jour où Emeline, venue donner des cours de flûte, fait éclater ce monde clos.


Dans le cadre du Prix Filigranes


Cécile Coulon










Originaire de Clermont-Ferrand, Cécile Coulon publie son premier livre à seize ans. Depuis, elle ne cesse de nous surprendre, de nous émerveiller. En quelques années, elle a publié sept romans dont Une bête
au paradis, un grand succès de librairie, récompensé par le prix littéraire du Monde, et deux recueils de poèmes dont l’un, Les Ronces a reçu le prix Apollinaire en 2018. Cécile Coulon est également éditrice à l’Iconopop, une collection de textes brefs et poétiques à l’Iconoclaste.


Mon avis


Après le formidable "Une bête au paradis", j'étais impatiente de retrouver la plume de Cécile Coulon et pour cause c'est un coup de coeur pour ce récit.


Nous sommes au 19ème siècle dans les forêts du Jura, deux familles vont lier leurs destins.


D'une part, Candre Marchère, propriétaire sylviculteur du domaine d'Or. Un jeune homme pâle, malingre, particulier à l'humeur toujours triste. Il faut dire que le destin ne l'a pas épargné.


Il avait cinq ans lorsque sa mère s'est écroulée sous les yeux de tous à l'office de l'église Saint Frères. C'est Henria, la servante qui l'a pris sous son aile et l'a élevé comme son propre fils Angelin. Elle lui a tout donné en n'oubliant pas le rang dû à chacun.


Candre a 26 ans, il est veuf, sa belle épouse Aleth étant décédée quelques mois après son mariage. Depuis, il a le visage fermé, marqué par le malheur, par sa peine.


D'autre part, Aimée Deville, fille d'Amand, un général revenu de la guerre sans ses jambes, époux de Josephe. Aimée a été élevée avec son cousin Claude, arrivé chez eux à peine âgé d'un an, il devait rester deux mois, il y est resté vingt ans. Avec Amand, très vite il montre son intérêt pour les armes et la guerre, il sera considéré comme le fils de la maison, c'est l'inséparable d'Aimée, un frère de coeur, protecteur ayant une sacrée répartie.


Aimée et Candre vont se marier? C'est un homme très pieux, généreux, attentionné, amoureux qui va peu à peu retrouver son sourire grâce à Aimée qu'il veut combler.


Aimée va chercher sa place dans ce domaine, une grande demeure au milieu de la forêt, une forêt dense, un écrin protecteur d'apparence mais aussi menaçant, donnant le sentiment d'emprisonnement par moment. Candre va tout faire en apparence pour que sa douce se sente heureuse mais il y a des ombres, des doutes, des mensonges et des secrets qui planent. Ce mal-être, ce sentiment d'être prisonnière en sa demeure, c'est l'ombre d'Aleth.


Aimée veut savoir.. Et puis il y a Emeline, la prof de musique venant de Genève qui l'attire tant, le mystère des sentiments, l'attitude d'Angelin, le frère de lait étrange et muet...


Que se passe-t-il dans cette forêt jurassienne ?


L'écriture de cécile Coulon est magnifique, fluide. Elle nous décrit la forêt comme un personnage à part entière, nous égarant, laissant monter peu à peu la tension. J'ai très fort pensé à l'écriture de Carole Martinez pour les ambiances dégagées, j'ai eu le sentiment de vivre avec Aimée ce qu'elle ressentait.


J'étais imprégnée par les protagonistes, un roman addictif, dévoré.


Un coup de coeur  ♥♥♥♥♥



Les jolies phrases


Sans le savoir, sans un mot, sans un geste. C'était cela, sa grande beauté : être là.


Les femmes sont meilleures en ce monde que les meilleurs des hommes.


Claude et Aimée grandirent sous l'oeil d'un soldat brisé et d'une mère dévouée, qui tenait sa maison et ses habitants comme des chiots dans un torchon, nouant sur eux les quatre coins pour qu'ils n'en tombent jamais.


En elle, deux émotions la tinrent éveillée toute la nuit : le soulagement d'avoir pour elle un lieu qu'elle occuperait seule, et la détresse de ne pas avoir envie d'être prise par cet homme, ni par aucun autre, et de devoir bientôt, souffrir sous l'amour qu'il faudrait bien accomplir, sans désir et sans feu.


Le soleil la cuisait pendant que les paroles de son époux infusaient en elle : voilà ce qui lui importait, le bonheur et l'enfant. Pour l'instant elle n'avait ni l'un ni l'autre.


En pénétrant ce bureau, elle devenait à son tour véritablement sa femme, plus seulement un ventre à remplir, une robe à plisser, une vierge à déflorer.


Votre cousin et moi-même sommes séparés par Dieu : je crois, et lui non. Mais s'il est un homme qui vous apporte de la joie, alors il m'en apporte aussi, car je suis heureux de vous savoir heureuse.


La nuit, Candre se transformait : dans l'ombre il n'était plus l'homme d'Eglise, à la peau si blanche qu'on devinait le trajet du sang sous elle, il n'atait plus le fils Marchère, orphelin, de minable corpulence, sauvé par son argent et son nom. Il venait contre elle et son torse était chaud, ses cuisses solides. Aimée le sentait se déployer en elle et derrière elle, elle avait peine à croire que c'était le même homme, son souffle était différent et ses gestes certains. La caresse passait, tantôt une brise, tantôt comme une gifle, elle se sentait tenue et emportée, et malgré les semaines de retrouvailles impossibles, de sexe fermé, elle aimait cela, cette bête qui se glissait dans son lit et allumait en elle des feux vivants jusqu'au petit matin, elle aimait cela et elle en voulait encore, cette nuit et la suivante.


Claude avait perdu plus que son oncle ; sa vie, déjà mutilée, s'effritait un peu plus, et dans ces saccades Aimée voyait comme les hommes restaient, à jamais, des garçons, vifs, chahuteurs, déséquilibrés par la perte. En elle, le chagrin creusait des galeries : Amand était parti, elle avait vécu à ses côtés des jours forts et heureux, dont elle emplissait ces chemins intérieurs. Dans sa douleur, une voix apaisée lui murmurait qu'elle avait eu de la chance : elle aimait son père mort autant qu'elle l'avait aimé vivant.


Aimée s'engouffra dans la douleur qu'elle s'infligeait, impeccable, postée dans un rayon de soleil, chaque muscle jouait sous la peau; elle souffrait, du père enterré, de la mère silencieuse, du mari absent. Elle souffrait du désir d'être là, absolument là alors qu'il aurait fallu être ailleurs, elle souffrait d'être abandonnée dans cette pièce sans pouvoir s'abandonner à cette envie que son ventre nourissait autant qu'il la réclamait.


La douleur était une couverture gelée jetée sur elle, et qui, seconde après seconde, paralysait ses membres, empêchait sa pensée, obstruait sa voix.


Le bien et le mal se mélangeaient dans sa pensée comme des jumeaux monstrueux, liés par un seul et même membre, dansant dans son âme , tarentulant presque, à la manière des danseurs malades, fiévreux.


Il marchait sans la regarder. Son visage, paisible et blanc, semblait pris dans les couleurs des arbres et des mousses, des écorces et des herbes. Il réglait son pas sur celui d'Aimée, prenant soin de ne pas la dépasser ni de la ralentir, mais une partie de lui-même s'échappait de leur conversation et filait dans les feuillages comme un écureuil.


Dans son cœur, la peine avait fait place à un grand vide, son corps semblait rempli de coton sec et noueux. Son âme flottait à côté de son corps. Dans cet écrin d’air frais, de rosées tardives et d’odeurs apaisantes, elle se livrait à sa part la plus douce, la plus tendre.


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1 commentaire:

Philippe D a dit…

J'ai lu aussi "une bête au paradis". Ça n'a pas été un coup de coeur pour moi, mais j'ai bien aimé.
Je ne connais pas celui-ci.