mardi 15 juillet 2014

Nue Jean-Philippe Toussaint ♥♥♥♥♥


Une lecture dans la cadre du Challenge Coupe du Monde des Livres




NUE        Jean-Philippe TOUSSAINT



Nue

Rentrée littéraire 2013
176 p.
14,50 €
ISBN : 9782707323057


L'auteur nous en parle 









L'auteur : Jean-Philippe TOUSSAINT

Jean-PhilippeToussaint

© Madeleine Santandréa

Jean-Philippe Toussaint est né à Bruxelles en 1957. Prix Médicis 2005 pour Fuir. Prix Décembre 2009 pour La Vérité sur Marie.

Bibliographie :
La Salle de bain, roman (Minuit, 1985 et « double » n° 32, 2005).
Monsieur, roman (Minuit, 1986).
L'Appareil-photo, roman (Minuit, 1989 et « double » n° 45, 2007).
La Réticence, roman (Minuit, 1991).
La Télévision (Minuit, 1997 et « double » n° 19, 2002).
Autoportrait (à l'étranger), roman (Minuit, 2000).
Faire l’amour, roman (Minuit, 2002).
Fuir, roman (Minuit, 2005).
La Mélancolie de Zidane (Minuit, 2006).
La Vérité sur Marie, roman (Minuit, 2009).
L'Urgence et la Patience, essai (Minuit, 2012).
Nue, roman (Minuit, 2013).


Filmographie :
Monsieur (1989).
La Sévillane, d’après L’Appareil-photo (1992).
Berlin 10.46, en collaboration avec Torsten Fischer (1994).
La Patinoire (1999).

CD :
Faire l'amour, lu par l'auteur,
("La Bibliothèque des voix", des femmes, 2007.


Quatrième de couverture

La robe en miel était le point d’orgue de la collection automne-hiver de Marie. À la fin du défilé, l’ultime mannequin surgissait des coulisses vêtue de cette robe d’ambre et de lumière, comme si son corps avait été plongé intégralement dans un pot de miel démesuré avant d’entrer en scène. Nue et en miel, ruisselante, elle s’avançait ainsi sur le podium en se déhanchant au rythme d’une musique cadencée, les talons hauts, souriante, suivie d'un essaim d’abeilles qui lui faisait cortège en bourdonnant en suspension dans l’air, aimanté par le miel, tel un nuage allongé et abstrait d’insectes vrombissants qui accompagnaient sa parade.

Nue est le quatrième et dernier volet de l'ensemble romanesque MARIE MADELEINE MARGUERITE DE MONTALTE, qui retrace quatre saisons de la vie de Marie, créatrice de haute couture et compagne du narrateur : Faire l’amour, hiver (2002) ; Fuir, été (2005) ; La Vérité sur Marie, printemps-été (2009) ; Nue, automne-hiver (2013).


Mon avis

Nue est le dernier volet de Marie Marguerite de Montalte, tétralogie romanesque au départ d'une rupture.  Cet opus va apporter une véritable fin à ce cycle amoureux.  Un cycle qui aura duré 11 ans pour mon compatriote Jean-Philippe Toussaint, livre en lice dans les finalistes du Goncourt 2014.

Marie est créatrice de mode, femme d'affaires, pleine de ressources.  Le livre commence par un défilé de mode hors du commun.  Imaginez une robe haute couture, sans couture...  Oui, aucune.... une robe en miel, suivie d'un essaim d'abeilles vrombissant.  C'est le point de départ.

Nous retrouvons le narrateur, toujours dans l'ombre, à la fin de l'été.  De retour à Paris après deux semaines en compagnie de Marie sur l'île d'Elbe.  Ils sont séparés mais ils ont passé deux semaines agréables là-bas.  Le narrateur est toujours follement amoureux de Marie.

L'attente de la revoir commence, l'espoir... Ses pensées nous emmènent au Japon après leur séparation, elle vit dans sa tête, dans son être.  Il en est fou amoureux.

Deux mois plus tard, un coup de fil de Marie et ils repartent sur l'île d'Elbe pour l'enterrement de Maurizio, l'intendant de la maison d'Elbe.  Ce n'est qu'un prétexte, Marie a autre chose à lui dire, il le sait.

Mais peu importe l'histoire, j'ai envie de dire, c'est le style qui prévaut.  J'avais beaucoup aimé "La vérité sur Marie". Ici aussi l'écriture est magnifique, éclatante de sobriété.  Les mots sont justes.  L'écriture est fine, ronde, mélodique.  Les tournures de phrases poétiques donnent naissance à des images précises et délicates.  Il y a une perception délicate, de la profondeur avec humour et légèreté.  Oui, j'ai vraiment été conquise par cette belle écriture.

Un joli coup de coeur

Ma note 10/10


Les jolies phrases.

...la perfection ennuie, alors que l'imprévu vivifie.

Mais, dans sa quête infinie de la perfection, Marie n'avait encore jamais envisagé de travailler consciemment sur ce qui échappe.  Non, elle voulait toujours tout contrôler, sans voir que ce qui lui échappait était peut-être ce qu'il y avait de plus vivant dans son travail. Car la perfection ennuie, alors que l'imprévu vivifie.  La conclusion inattendue du défilé du Spiral lui fit alors prendre conscience que, dans cette dualité inhérente à la création - ce qu'on contrôle, ce qui échappe -, il est également possible d'agir sur ce qui échappe, et qu'il y a la place, dans la création artistique, pour accueillir le hasard, l'involontaire, l'inconscient, le fatal et le fortuit.

J'avais déjà éprouvé ce sentiment d'écartèlement pendant un rêve, ou une lecture, de me trouver à la fois ici physiquement, et là-bas en pensées, dans le souvenir ou la réactivation du passé, et parfois même dans un ailleurs imaginaire, non pas vécu et reconstitué, mais simplement inventé, dans un monde idéal, façonné à ma main, peuplé de chimères et parsemé de paysages mentaux éclairés par mes soins.  Cette dispersion de soi, qui nous permet d'être à la fois et en même temps ici et là-bas, lorsque nous nous remémorons le passé, ne heurte pas le sens commun, tant qu'on se limite au domaine spatial.  C'est quand on se promène dans le temps, et qu'on a la sensation d'être à la fois dans le présent et dans le passé - parce que les différents moments du temps ne sont plus hiérarchisés par le souvenir - que l'esprit peine à ajuster ses repères, parce que le temps, alors n'est plus perçu comme la succession d'instants qu'il a toujours été, mais comme une superposition de présents simultanés.

Il émanait de lui quelque chose de déplaisant et d'antipathique, il était à l'image de sa voiture, comme certains propriétaires de chiens qui font toujours l'acquisition de sales bêtes à leur image.

Plus tard, alors que m'arrivait une autre expérience du même ordre, réfléchissant à cet acte singulier de ne pas trouver quelqu'un qu'on va voir dans un cimetière, je m'étais rendu compte que cette mésaventure révélait dans le fond la vraie nature de toute visite dans un cimetière, c'est que, quand on va voir quelqu'un dans un cimetière, il est naturel qu'on ne le voie pas, il est normal qu'on ne le trouve pas, car on ne peut pas le trouver, jamais, c'est à son absence qu'on est confronté, à son absence irrémédiable.  Et je pensai alors que, si Marie n'avait pas trouvé cet après-midi la tombe de Maurizio, si elle s'était trompée de cimetière alors que nous étions venus spécialement de Paris pour l'enterrement, c'est qu'elle n'avait pas voulu trouver le bon cimetière, et si elle n'avait pas voulu le trouver, c'est parce que ce n'était pas de mort qu'elle voulait m'entretenir lors de séjour à l'île d'Elbe - mais de vie.

Car, de même qu'il arrive parfois qu'une fêlure s'installe dans la vie amoureuse d'un couple, qui, avec le temps, ne peut que s'étendre et s'aggraver pour aboutir à une rupture définitive, je sentais que pour nous, c'était plutôt dans le principe même de notre rupture qu'une lézarde était en train de s'installer, qui, avec ce que nous venions de vivre et le fait que Marie était enceinte, ne pourrait que s'accroître, au point que, si elle venait à s'élargir encore, c'est l'idée même de notre séparation qui se trouverait menacée (et que nous finirions, tôt ou tard, par nous remettre à vivre ensemble).

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