lundi 9 juin 2014

Le géranium de Monsieur Jean. Michel Torrekens ♥♥♥♥♥


♥♥♥♥♥   immense coup de coeur   ♥♥♥♥♥



Merci à Argali, Anne et Mina 

C'est via le mois du belge que j'ai découvert ce livre et cet auteur de ma ville d'origine.

Vous m'avez donné l'envie de la découverte.  Je vous en remercie.



Le géranium de Monsieur Jean.

Michel Torrekens






Format : 14 x 21 cm
Reliure : broché
Pagination : 144 pages
ISBN : 978-2-914773-48-5
Prix : 16,50 €
ZELLIGE


PRIX SAGA CAFE 2013



Quatrième de couverture


Je ne peux plus me déplacer sans aide. La plupart du temps, c’est une soignante qui se porte à mon secours. C’est bien le mot : secours. Je suis en situation continuelle d’assisté, obligé de me plier au bon vouloir d’une autre personne. Cela m’a appris l’humilité. Bien malgré moi. Après avoir dirigé des années durant une équipe de quinze personnes, je ne suis plus maître de moi-même. Vous avez beau penser que cela risque de vous arriver un jour, vous vous bercez le plus longtemps possible d’illusions.


Comment vivre dans un espace de quelques mètres carrés ? Son confinement conduit Monsieur Jean à retrouver des petits bonheurs oubliés : le toucher d’une peau aimée, la saveur d’un verre d’eau, l’odeur de l’herbe coupée, la vision fugitive d’un vol de martinets…


Et puis il y a Axelle, encore alerte, elle, et qui lui rapporte tous les petits potins et événements qui agitent la résidence. Car il refuse de rencontrer les autres pensionnaires, et surtout de participer à leurs activités qu’il juge débilitantes.


L’existence ne l’a pas épargné – ce n’est qu’à la fin du livre que s’éclaircira le mystère de la disparition de sa femme au Pérou –, mais Monsieur Jean espère encore secrètement une ultime réconciliation. Avec lui-même et avec ses proches…


Récit simple et pudique, Le Géranium de Monsieur Jean pourrait faire sienne la phrase de Jean-Jacques Rousseau : « J’ai retrouvé la sérénité, la tranquillité, la paix ».


“Fin de vie,
mode d'emploi...”




Michel TORREKENS




Né en 1960 à Gembloux (Belgique) où il vit, Michel TORREKENS est rédacteur en chef-adjoint d’un magazine parental, Le Ligueur, et s’intéresse aux questions d’éducation et de transmission, ainsi qu’à la place de l’enfant et des jeunes dans nos sociétés. Il a publié précédemment deux recueils de nouvelles, L’herbe qui souffre et Fœtus fait la tête.


MON AVIS

Que d'émotions, de belles émotions à la lecture de ce magnifique roman de mon compatriote Michel Torrekens .

Monsieur Jean était horticulteur, il en a planté des milliers de géraniums durant sa vie. Aujourd'hui, il ne sait plus ! Ses mains, son corps se dérobent. Bien malgré lui, il est devenu dépendant!
Lui qui, naguère pesait le double de son poids, s'imposait et était continuellement actif.  Ben oui.., c'est comme cela, il faut se rendre à l'évidence : il voudrait mais il ne sait plus.

Alors ses enfants : France l'aînée, Bernard et la cadette Pauline, ne pouvaient faire autrement.. Depuis un mois Monsieur Jean est en résidence.  Ironie du sort c'est ici qu'il est né il y a très longtemps, la maternité d'alors a été transformée en maison de retraite...  La boucle est bouclée en quelque sorte, c'est comme ça : le cycle de la vie.

Jean ne quitte plus sa chambre.  Il est résigné.  A-t-il d'autre choix?  Impuissant face à son corps qui peu à peu le lâche.  La fatigue s'installe, l'incontinence, la perte de sa voix, la douleur, la solitude...
Il est conscient de tout mais n'y peut rien.

Il se sent seul avec comme compagnie : un géranium.  Un géranium qui prend vie, force, vigueur, qui lui a encore tout le temps devant lui.  Il l'observe en pensant.

Il est là, perdu dans sa solitude, son regard se perd sur son géranium et sur deux photos de ses parents.

Il s'accroche à eux et prend l'habitude de leur parler.  Il exprime intérieurement ses sentiments et mentalement retombe dans ses souvenirs.

Lui qui a toujours été fort occupé a aujourd'hui le temps de l'introspection. Il fait le point sur sa vie, sur ses rapports avec ses enfants.  Il aimerait tellement comprendre Pauline avec qui tout est toujours tendu, difficile. il voudrait s'en rapprocher, la comprendre, lui parler.

Sa femme Hélène, lui tient compagnie par le biais de cinq lettres qu'il relit inlassablement chaque jour.
Cinq lettres envoyées par Hélène lors d'un voyage au Pérou, elle aimait les autres, elle avait besoin de les aider.  Il fallait qu'elle fasse des voyages annuellement pour se rendre utile, c'était vital pour elle.  Il ressasse et ressasse encore ses courriers.

Et puis il y a Axelle, une ancienne amoureuse, résidente elle aussi. Ils se sont retrouvés et elle lui rend visite chaque jour.


Michel Torrekens nous raconte la vie, le quotidien dans la résidence.  Mais aussi le vécu, le ressenti , les réactions des pensionnaires, ce cheminement vers la vieillesse.  Il nous fait vivre leurs joies, leurs peines, leur honte et leur impuissance face à la vieillesse qui s'installe.  L'impuissance d'y résister, la résignation mais les mots sont tous choisis, délicats.  C'est un véritable orfèvre des mots.

J'ai été touchée au plus profond de mon être, j'ai eu les larmes aux yeux en lisant cette écriture magnifique.  Avec beaucoup de tendresse, de pudeur, ce livre me permet d'essayer de comprendre et de ressentir ce qui se passe dans la tête de nos aînés.

Ce n'est pas misérabiliste, déprimant, au contraire il y a beaucoup d'espoir et de compassion. C'est fort, très fort.  C'est un beau témoignage d'amour.

Coup de coeur incontesté.


L'avis d'Argali.

LES JOLIES PHRASES

Je ne supporterais plus le décès d'un plus jeune.  J'aurais l'impression de recevoir une gifle.  Incapable de renouer avec une raison de vivre.  Je suis arrivé à un stade où mon quota de morts dépasse largement celui des vivants qui m'entourent, qui comptent pour moi.  D'autant que beaucoup de ceux-ci ont cessé de donner signe de vie, ont disparu dans la nature.  Je me demande quand la balance a penché de l'autre côté.

Je ne peux plus aller aux enterrements.  Du coup, cela me donne l'impression que les gens partent sans moi.  Le prochain auquel je participerai, ce sera le mien.  Quand j'y pense, je le vois comme la prochaine et la dernière raison de se réunir autour de moi.

Ne plus exister, se sentir incapable de penser, d'agir.  Se vivre comme un bloc crispé par la force puissante de son corps déchiré.

Je refusais l'idée de me voir confiner dans cet espace clos et étroit.  Puis, j'ai bien dû me rallier à leurs raisons, à la raison tout court.  Impossible pour eux d'assumer toutes les exigences d'un corps vieilli, malade, affaibli.  Un corps qui ne respecte plus les garde-fous placés par le cerveau, comme si l'un était déconnecté de l'autre.  

La page 40 est magnifique comme tant d'autres.

Mes jours me sont comptés désormais.  Mais je veux profiter de chaque instant. Chaque moment, même dans le dépouillement, même avec les restrictions qui me sont imposées, est privilégié parce que je vis avec cette conscience tacite d'une imminence de la mort.  Je sens que des choses se détraquent dans mon corps, que rien ne tourne plus rond. Cette fatigue dont on parle si souvent est omniprésente.  Vous m'avez connu enfant à l'âge de tous les possibles......p41.....La mort ne m'effraie pas, mais lâcher prise, perdre pied...

Au dernier moment, je veux donner l'image la plus flatteuse, je veux pouvoir être tenu dans des bras, je veux que cela se passe bien.

Mon corps se comporte d'une étrange façon.  C'est mon complice, celui à qui j'accorde l'essentiel de mon attention et un boulet dont je dois surveiller les moindres comportements.  Mon meilleur ami et mon pire ennemi.  Il me porte et je le supporte.

Nous savions comment procéder, nous avions été initiés à la petite mécanique de la sexualité humaine, mais nos corps restaient les inconnus d'une équation que nous n'avions jamais eu la possibilité de résoudre.

Mon corps me lâche inexorablement, une étape de plus dans le lent processus de dépossession.

Elle a débroussaillé des sentiers que la nature avait ensevelis et leur a rendu leur raison d'être.

Il y a finalement peu de personnes qui ont traversé l'existence à mes côtés.

Tu as fait tout ce que tu as pu, c'est évident.  Mais il faut croire que cela ne suffit toujours.  La vie  serait trop simple sinon.  Il y aurait bien un mode d'emploi et on se bornerait à le suivre.

Je prends conscience pour la première fois qu'un de mes enfants va vivre quelque chose d'important et que je pourrais ne plus être là.  Etre là, tout simplement.


A suivre un article pour découvrir ensemble les Editions Zellige


1 commentaire:

argali a dit…

Très beau billet où l'on ressent bien tes émotions de lecture. Je suis contente de t'avoir donné la curiosité de la découverte et encore plus que tu ais aimé.
Merci pour le lien.