À l'autre bout de la mer - Giulio Cavalli
Editions de l'Observatoire
Traduit de l'italien par Lise Caillat
Parution : 6 janvier 2021
Pages : 215
Isbn : 9791032907405
Prix : 20 €
Présentation de l'éditeur
Giovanni Ventimiglia est pêcheur. Il vend son poisson au marché de DF, une petite ville italienne accrochée à la côte comme beaucoup d’autres, avec un curé qui sermonne et qui va au bordel, une chaîne d’actualité locale qui enflamme le cœur des ménagères avec son présentateur grisonnant et son afflux de touristes estival. Mais un matin de mars, en accostant au port, Giovanni découvre un cadavre, celui d’un jeune homme venu d’ailleurs.
Après lui, les découvertes se succèdent sans que les autorités locales ne parviennent à trouver un fil conducteur, une raison logique à ces vagues mortifères. Désemparée, la petite ville appelle à l’aide, et finira par mettre au point une bien étrange stratégie pour venir à bout de ces vagues macabres… mais s’en relèvera-t-elle indemne ?
Giulio Cavalli réinvente le genre de la dystopie dans ce roman aussi noir que fascinant, véritable miroir tendu vers l’humanité et ce qu’elle a de plus dérangeant.
Giulio Cavalli
Né à Milan en 1977, écrivain, journaliste et dramaturge, Giulio Cavalli vit depuis 2007 sous protection policière pour son engagement dans la lutte antimafia. À l’autre bout de la mer, son deuxième roman, le premier publié en France, a été sélectionné par de nombreux prix, dont le prestigieux prix Campiello.
Mon avis
Giovanni Ventimiglia est pêcheur, il vend chaque matin son poisson au marché de la petite ville italienne de DF, une ville prisée par les touristes en été, mais ce matin de mars, c'est lui qui va découvrir le tout premier corps.
Un corps venu d'ailleurs, c'est certain il n'est pas d'ici, la couleur de sa peau est trop foncée.
La petite communauté ; le curé, le toubib, le maire, la télé locale est sous le choc car d'autres corps vont arriver en grand nombre et perturber le cours tranquille de la cité de DF.
Ce sont des milliers de corps qui arrivent par la mer. Même taille, même race, même âge mais impossible d'en trouver l'origine...
Il faut absolument faire quelque chose, s'organiser pour que la vie reprenne son cours au village. Peppe Ruffini, le maire se démène pour touver des solutions, n'étant pas soutenu par Rome, il faut absolument s'organiser et trouver une solution qui sera très profitable sur du long terme...
Je ne peux ni veux vous en dire plus, si ce n'est que cette dystopie est stupéfiante, fascinante. Elle remue, âmes sensibles s'abstenir car certaines scènes sont très noires, horribles, fortes et m'ont donnée le haut le coeur mais elles sont indispensables.
La question est où cela va-t-il nous mener ? et je peux vous dire que cet auteur italien dont c'est le second roman ne manque pas d'imagination !
C'est noir, très noir, un peu comme la cruauté dont l'Homme peut-être capable mais derrière tout cela, il défend le point de vue d'hommes livrés à eux-mêmes et qui doivent trouver des solutions et une certaine légitimité dans leurs actes.
Ce que j'ai trouvé très fort - et mon sentiment est que cette fiction est poussée à l'extrême - est que l'auteur utilise une allégorie de ce qui est bien ou mal en fonction du fait que l'homme soit livré à lui-même. Je ne sais pas pourquoi mais j'y ai perçu un parallèle avec la montée de l'extrêmisme nationaliste et de ses conséquences, d'être pris dans un engrenage avec la difficulté de pouvoir réagir autrement.
Les faits perpétrés par les villageois sont horribles, infâmes, inacceptables pour l'extérieur qui ne vit pas la situation mais sont légitimes et justes pour la population de DF qui est confrontée à un problème sans solution car livrée à elle-même. La nuance entre le légitime, le bien ou le mal est infime en fonction de la place où l'on se trouve, de la situation que l'on vit, subit ou non.
Accrochez-vous cela en vaut la peine. J'ai failli abandonner dans la première partie génée par les longueurs des phrases et des nombreuses digressions, je pense que c'était dû à un état de fatigue durant la lecture. La seconde partie était plus addictive et démontre toute la force de l'écriture. Un roman dérangeant mais peut-être indispensable.
C'est un livre fort à découvrir. Un texte et une langue puissante. C'est magistral !
Ma note : 9/10
Les jolies phrases
Traiter par-dessus la jambe les indices d'une catastrophe imminente, c'est faire en sorte qu'elle se produise et nous prenne au dépourvu.
Mais les guerres se font avec l'armée dont on dispose.
On peut penser ce qu'on veut : construire est la plus grande réalisation humaine.
...c'est ça le problème, on a perdu la culture de dîner pour dîner, on va au restaurant pour se donner une raison de sortir mais jamais le contraire, c'est le progrès selon mes frères, le progrès nous envoie tous au restaurant pour gonfler le défilé, pour nous montrer, "eh vous là, vous nous voyez ? on dîne dehors, vous nous voyez ? nous entrons exactement ici", et un éclat de rire aux relents gastriques, ....
Je fais autre chose, en effet, parce qu'on m'a retiré la mer et un pêcheur sans mer c'est comme un oiseau qui rampe, ....
Je voulais avoir le courage de pleurer pour une fois, une fois seulement, pleurer moi aussi. Lui dire qu'on a toujours tout essayé, qu'on s'en fout si on a échoué, et que maintenant, notre vie, on peut s'en contenter.
Alors j'ai compris que j'avais l'étoffe, il suffit de pas grand-chose quand on est jeune : des petites satisfactions peuvent accroitre démesurément nos ambitions.
La cuisine c'est comme la vie : ce qui est universellement détestable avec le temps devient acceptable et finit par être désirable. () je lui ai raconté l'histoire des anguilles, sauf que les gens du coin qui avaient grandi là, nous les avons retirées du menu pour éviter de devoir chaque fois implorer les clients de les goûter et un beau matin j'ai eu l'idée d'appeler ce plat spécialité locale, nous l'avons écrit comme ça, en italique, sur le menu plastifié parce que je déteste les traces de gras, alors ces imbéciles de clients allaient serrer la main du cuisinier et me félicitaient. C'étaient les crétins dégoûtés des années précédentes. p 144
D'abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, ensuite ils vous combattent et enfin, vous gagnez.
Il y a une différence entre voir et regarder, entre discuter et connaître, entre dépoussiérer et nettoyer, détacher et laver, cuire et cuisiner, lire et étudier, chacun vit à son rythme : moi, je ne veux rien rater. C'est une obsession . Si l'exactitude est une manie, alors je préfère être maniaque.
Il y a une différence entre voir et regarder, entre discuter et connaître, entre dépoussiérer et nettoyer, détacher et laver, cuire et cuisiner, lire et étudier, chacun vit à son rythme : moi, je suis vivante. Et comment que je suis vivante.
Quand l'humanité s'en va, même le vrai devient un luxe : non par ignorance, comme on pourrait le penser, mais par un mélange empoisonné des priorités.
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