mercredi 27 janvier 2021

Zita - Olivier Hercend

 Zita - Olivier Hercend







Albin Michel
Parution : 06 janvier 2021
Pages : 240
Isbn : 9782226452344
Pages : 18.90 €


Présentation de l'éditeur


« Ils filaient comme un oiseau avant l’orage, rasant le sol et frôlant les arbres à pleine vitesse. La main de monsieur Leone s’est posée sur son épaule. Sa voix, qui avait disparu dans le grondement, résonnait de nouveau, intense et pressante.

- Plus vite, accélère. »

Italie, été 1922. Une curieuse alliance se noue. D'un côté, monsieur Leone, passionné de compétition automobile, rentré infirme de la guerre. De l'autre, Zita, sa bonne, une fille de la campagne fascinée par la conduite. Leone se met en tête d’en faire une pilote et la propulse sur les routes de Lombardie pour concourir à des prix.

De course en course, contre les fantasmes de puissance que fait naître la machine et le spectre du fascisme triomphant, Zita affirme son don à la face d’un monde tristement bridé et déploie une autre façon d'être, dans l'osmose et l'abandon avec son bolide.

Un singulier premier roman qui s’adresse directement à nos sens, où Olivier Hercend explore le cheminement intime d’une femme jusqu’à cette ineffable expérience qu'est l'exaltation de la course.

Mon avis

Nous sommes en 1922 dans un petit village d'Italie.  Zita travaille comme bonne chez Monsieur Leone, ancien notaire passionné de compétition automobile.  Il est rentré de la guerre sans ses jambes, il passe beaucoup de temps dans son garage.  Il regarde désespéré sa voiture de course avec laquelle il avait remporté des trophées, de son fauteuil roulant qu'il ne quitte plus. 

C'est Emiliano, son chauffeur qui s'occupe de l'entretien de la voiture qu'il n'a jamais pu se résoudre à vendre.  Une à deux fois par semaine, ils partent faire le tour du village et des environs.

Emiliano a utilisé la voiture pour se rapprocher de la toute jeune Zita, il lui apprend à la conduire en lui volant des baisers dans le cou. 

Un jour, Zita trouve monsieur Leone particulièrement triste dans le garage, elle lui avoue savoir conduire l'engin.  Alors le visage de monsieur Leone s'illumine, il lui intime l'ordre de la conduire de plus en plus vite, il est convaincu que Zita est douée et faite pour ça, elle sera pilote, il en est convaincu.

A son tour de convaincre les parents de Zita pour l'inscrire à la course de la kermesse du village, ce sera le début d'une aventure et de la conquête de prix automobiles. 

Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre, ce sont les passages décrivant les sensations fournies par la conduite de la voiture, on ressent avec Zita les vibrations du moteur, les sensations apportées par la conduite,  le grisement octroyé par la vitesse.  L'osmose complète avec la voiture durant la course lui fait oublier sa condition de femme,  difficile pour une toute jeune femme de conquérir ce monde masculin.  

Emiliano veut faire de Zita "la pilote", sa réussite mais en fait en réalité "sa chose", oui domination du sexe fort, difficile pour une femme de s'affirmer dans ce monde machiste.

Un roman qui aborde la condition de la femme, l'emprise masculine, nous sommes dans les années 20,  la domination masculine est un peu la norme à l'époque.  Ce roman aborde également le problème de l'alcoolisme et l'émergence des "chemises noires" et du fascisme ten Italie.

Un premier roman singulier prometteur. Une plume à suivre.  J'ai vraiment passé un excellent moment en compagnie de Zita.

Ma note : 8/10



Les jolies phrases

Quand la voiture passe, les vibrations se propagent en elle, et ses bras et ses jambes épousent le rythme pour ne pas perdre le contrôle. Emiliano rit d'elle en disant qu'elle tremble comme une feuille et qu'elle n'a pas de force.  Les premières fois, quand il lui montrait comment conduire, il tendait ses muscles pour résister aux chocs, mais la sueur perlait sur sa chemise et il était tout de suite hors d'haleine.  Au bout d'une heure, à leur retour, il s'écroulait sur le gazon devant le garage, le visage tout rouge, et il devait rester allonger dans l'herbe pour reprendre des forces.  Il n'aime pas les vibrations de la voiture.  Quand monsieur Leone arrivait dans le garage pour savoir comment s'était passée la séance, il lui répondait toujours qu'il faut aller sur les routes.  Ils ont déjà conduit sur la grande route qui mène à Bergame.  La voiture roulait beaucoup plus vite.  Les chocs avaient presque disparu : les roues semblaient ne plus toucher le sol.

Quand la voiture roule et que le moteur gronde, il n'a pas plus de poids qu'un nuage qui passe dans le ciel.

Il y avait la foule, la foule qui la guidait.  Il y avait les chemins et les vibrations, les clochers de Pavie qui dansaient dans le ciel nuageux, la chaleur moite de sa tenue, les grondements des moteurs et les dépassemements, les virages que la voiture prenait à pleine vitesse, les lignes droites où tout se confondait autour d'elle.  Dans les premiers instants, à la faveur d'un tournant suffisamment large, elle s'était libérée de ses poursuivants, s'offrant un espace pour accélérer vers le peloton de tête.  Sur un chemin à travers champs, profitant d'un conseil du docteur Ferruci, elle avait coupé net l'accélération d'une Fiat au moteur tonitruant.  Au dernier tour, le long de l'église et de la rue principale, elle avait communié avec le public, en tête de la course, comme portée par ces centaines de corps et de bras qui lui ouvraient le passage.  Il ne reste de tout cela qu'une unique et énorme sensation, comme si le lit où pendent les pieds de Zita en recousant le pantalon d'Emiliano se mettait à flotter et partait à toute allure en glissant sur les toits de Milan, comme des tapis volants dans les livres ou la terre qui tourne très vite sous ses pieds sans que personne s'en rende compte. Dans la voiture, la terre tourne sous les pieds de Zita, mais les roues ne la suivent plus.  Elles vont où le battement sans fin du moteur les emmène.

Elle disait que les veilles de grands événements, les hommes étaient prêts à dire oui à n'importe quoi.  Elle leur a raconté qu'au premier jour de la guerre, les promesses de mariage étaient tombées d'un coup comme de la grêle au printemps.  Quand ils ne savaient pas de quoi serait fait le lendemain, tous les jeunes hommes découvraient comme par magie qu'ils aimaient les jeunes femmes.

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