lundi 4 janvier 2021

Liv Maria - Julia Kerninon ♥♥♥♥♥

 Liv Maria - Julia Kerninon  ♥♥♥♥♥







L'iconoclaste
Parution : 20/08/2020
Pages : 320
Isbn : 9782378801540
Prix : 19 €


Présentation de l'éditeur 



Son nom est Liv Maria Christensen. Enfant solitaire née sur une île bretonne, entre une mère tenancière de café et un père marin norvégien. Envoyée subitement à Berlin à l’âge de 17 ans, elle tombe amoureuse de son professeur d’anglais. Le temps d’un été, elle apprend tout. Le plaisir des corps, l’intensité des échanges. Mais, à peine sortie de l’adolescence, elle a déjà perdu tous ses repères. Ses parents décèdent dans un accident, la voilà orpheline. Et le professeur d’été n’était peut-être qu’un mirage. Alors, Liv Maria s’invente pendant des années une existence libre en Amérique latine. Puis, par la grâce d’un nouvel amour, elle s’ancre dans une histoire de famille paisible, en Irlande. Deux fils viennent au monde. Mais Liv Maria reste une femme insaisissable, même pour ses proches. Comment se tenir là, dans cette vie, avec le souvenir de toutes celles d’avant ?

Julia Kerninon brosse le portrait éblouissant d’une femme marquée à vif par un secret inavouable. Et explore avec une grande justesse les détours de l’intime, les jeux de l’apparence et de la vérité.

L'auteure






Julia Kerninon est née en 1987 à Nantes, où elle vit. Elle est docteure en lettres, spécialiste de littérature américaine. Elle s’est fait remarquer dès son premier roman, Buvard (2014), qui a reçu notamment le prix Françoise-Sagan. Trois livres vont suivre aux Éditions du Rouergue, dans lesquels elle affirme son talent et déroule son principal thème de prédilection, la complexité du sentiment amoureux.

Source : L'iconoclaste





Mon avis

C'est un roman magnifique qui nous dresse le portrait d'une femme aux multiples facettes, Liv Maria Andersen ; mais qui est-elle vraiment ?

Son père Thure Christensen était un marin Norvégien. Il a accosté sur une petite île bretonne et y a rencontré Mado Tonnerre, une îlienne taiseuse, courageuse, travailleuse qui dès l'âge de 15 ans a repris le café, épicerie, armurerie familiale entourée de ses quatre frères.  Thure restera sur l'île et deviendra menuisier et amoureux des mots et des livres, c'est un lecteur qui fera de sa fille une lectrice.

Dès son plus jeune âge il lui racontait London, Beckett, Hardy et Faulkner.

Liv Maria grandira libre sur l'île baignée de l'amour de ses parents mais l'année de ses 17 ans, un incident surviendra et Mado jugera qu'elle doit quitter l'île, choix d'une mère pour la protéger, elle l'enverra à Berlin chez la soeur de Thure pour passer un été en prenant des cours d'anglais.

Berlin, Maria y rencontrera Fergus, son professeur d'anglais, un irlandais qui deviendra sa passion, son premier amour, celui qu'on n'oubliera jamais..  Elle, l'adolescente, amoureuse et orpheline à la fin de l'été.  Elle rentrera, reprendra le café Tonnerre comme sa mère l'avait fait avant elle, le transformera en chambre d'hôtes.  Elle est travailleuse, a le sens des affaires. 

Son oncle la poussera à partir pour vivre sa vie en lui disant que "Mais le contraire d'oublier c'est ne pas se souvenir, c'est apprendre"

Liv Maria partira au Chili, elle découvrira l'amour avec d'autres amants, le succès au travail, vivre pleinement sa vie, partir  fuir, vivre... jusqu'à la rencontre de l'amour, celui qui donne envie d'une famille.

On voyage avec Liv Maria aux différents âges de sa vie mais aussi dans l'espace, Bretagne, Berlin, Chili, Irlande.  C'est palpitant.

Liv Mari a 1000 vies, enfant heureuse, lectrice, amoureuse, amante, épouse, mère.  On voyage au coeur de ses sentiments, voyage intérieur, sa force de vie, sa liberté, ne pas pouvoir se détacher du passé, un secret devenu inavouable.

J'ai pris énormément de plaisir à suivre le destin animé de Liv Maria, elle se cherche, se construit sur base d'un idéal, d'un rêve, d'une chimère, d'un secret qui devient trop lourd à porter.

J'ai aimé comme à chaque fois la plume de Julia Kerninon, concise, fine, douce, sensible, émouvante.  J'ai aimé l'amour des mots, le poids des livres et la boucle qui se ferme sur cette phrase de Faulkner :

"Ce qu'il y a de fascinant avec Faulkner, c'est la façon dont il nous donne tous les outils pour comprendre son roman, sans qu'on y comprenne rien au départ.  C'est comme une carte topographique du territoire dans lequel on va se déplacer".

Un très beau roman.

Un ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Mais ce n'était pas une affaire qui s'était réglée entre hommes, précisément - c'était une histoire qui, à tort ou à raison, s'était réglée sans eux, dans la grande tradition matriarcale du monde qui fait du viol une affaire de femmes.

Que saisissons-nous des gens, la première fois que nous posons les yeux sur eux ?  Leur vérité, ou plutôt leur couverture? Leur vernis, ou leur écorce?  Avons-nous à ce moment là une chance unique de les percer à jour, ou est-ce que cet espoir est absolument vain, parce que le premier regard passe toujours à côté de ce qui est important ?

Ce que j'aimais, avait repris Liv Maria, c'était cette idée d'un monde incompréhensible dont on recevrait dès les premiers pas le code, mais qu'on ne serait capable de déchiffrer qu'un peu plus tard.

Après, il l'avait guidée adroitement à travers les rues jusqu'à une petite pension et où elle avait découvert ce dont elle n'avait jamais eu la moindre idée ni la moindre intuition.  Ce qu'on pouvait faire avec un corps - avec deux corps.  Les frottant l'un contre l'autre comme des silex, longtemps, patiemment, jusqu'à faire jaillir des étincelles, puis le feu, le feu ravageant tout. 

Mais le contraire d'oublier, Liv Maria, ce n'est pas se souvenir - c'est apprendre.

Mais je crois qu'il ne faut jamais rester trop longtemps loin de cet endroit où l'on est né.

Tu es parmi nous depuis neuf ans, moi, je travaille avec toi depuis tout ce temps, je couche avec toi, et je ne comprends toujours pas vraiment d'où tu viens.  Quelque chose qu'on protège à ce point, on ne peut pas l'abandonner. 

Un arbre déraciné était un motif de chagrin, mais, correctement débité, stocké et traité, son bois pouvait devenir autre chose, poursuivre sa vie sous une autre forme. 

Parce que les gens murmurent - les gens se trahissent, ils commettent des erreurs, ils croient dire ce qu'ils disent et taire ce qu'ils taisent, mais bien sûr ils font l'inverse, à leur insu.  Les gens murmurent, ils parlent avec leurs cils qui battent, avec leurs oreilles qui rougissent, avec leurs fautes de frappe, et nous les lisons à livre ouvert, à notre insu.  Les gens murmurent, et nous les entendons, mais le message est parfois si clair que nous cherchons les complications.  Pourtant, dans ce que nous taisons en croyant le dire, ce que nous disons en croyant le taire, nous sommes dans notre vérité d'un coup.

Ce qu'il y a de fascinant avec Faulkner, c'est la façon dont il nous donne tous les outils pour comprendre son roman, sans qu'on y comprenne rien au départ.  C'est comme une carte topographique du territoire dans lequel on va se déplacer.


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