dimanche 31 août 2025

L'homme sous l'orage - Gaëlle Nohant ♥

 L'homme sous l'orage  -  Gaëlle Nohant





















L'iconoclaste
Parution : 21/08/25
Pages : 430
Isbn : 9782378805043
Prix : 21.90 €

Présentation de l'éditeur

Hiver 1917. Le front s'enlise, l'arrière s'épuise. Une nuit d'orage, un visiteur demande asile à Isaure, la propriétaire d'un domaine viticole. Avant le conflit, c'était un peintre talentueux reçu au château, désormais c'est un déserteur que la maîtresse de maison renvoie sèchement. Saisie de compassion, Rosalie, la fille d'Isaure, le cache au grenier. Mais avec lui, les périls s'invitent au cœur de la demeure.
Peut-on agir sur le destin? Le fugitif, la jeune fille et la mère refusent la place qui leur a été assignée. Ils s'émancipent et se confrontent, tissant un fascinant roman de guerre, d'amour et de liberté. Pour eux comme pour nous, l'orage se lève, il faut tenter de vivre.


Gaëlle Nohant

Gaëlle Nohant manie les mots comme d’autres sculptent le marbre : avec précision, ferveur et une infinie délicatesse. Née en 1973, elle explore, roman après roman, les méandres du passé pour en raviver la flamme, offrant aux lecteurs des récits où l’histoire devient chair et souffle. Révélée par L’Ancre des rêves, elle s’impose avec La Part des flammes, fascinante immersion dans l’incendie du Bazar de la Charité, avant de frapper les esprits avec Légende d’un dormeur éveillé, hommage au poète Robert Desnos. Chaque livre est une invitation à écouter les voix enfouies, à sonder l’âme humaine avec une élégance aussi érudite qu’émotive.



Mon avis

Hiver 1917, nous sommes à l'Esparre près de Collioure, un château et domaine viticole, où vivent Isaure Sauvel et sa fille Rosalie depuis que le mari et le fils sont partis depuis trois ans déjà, se battre pour le pays. 

C'est une soirée d'orage, on sonne à la porte, un homme demande l'asile à Madame qui le chasse, outrée par sa demande.

Rosalie, presque 19 ans, a tout vu de l'étage, cet homme demandant l'asile, un ami de sa mère, elle ne peut le laisser dehors, elle se décide de le cacher au grenier.  C'est le commencement d'un récit romanesque et de tous les dangers.  

Le fuyard se nomme Théodore, c'est lui qui a peint le grand portrait de sa mère. Rosalie découvre un sentiment qu'elle ne connaît pas encore.  Elle est jeune, elle va s'endurcir, devenir bénévole à la Croix Rouge comme sa mère, soigner ou accompagner les soldats blessés au front, se faire sa vision de la guerre, des raisons de la fuir ou non.

Un magnifique récit qui nous dépeint la guerre vue par les femmes, l'importance de la place prise durant ce conflit, un rôle majeur qui a permis de maintenir une activité économique, les responsabilités prises.  Un roman qui questionne sur le sens et l'utilité de la guerre, où commencent la lâcheté, le courage ?  
Le regard de la société sur la désertion mais aussi les conditions sur le front, sur la liberté, l'amour et le courage. 

Un autre thème majeur du roman est l'art salvateur qui contraste avec les horreurs de la guerre, celui qui montre la beauté des choses comme un refuge contre la laideur de la guerre.  Théodore est peintre et à travers la peinture il va renouer avec la beauté, avec la vie tout comme Rosalie qui trouve dans la littérature une échappatoire, l'envie de vivre.

Une plume magnifique, romanesque à souhait, poétique. Un excellent moment de lecture que je vous conseille vivement.

Ma note : ♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

La vigne m'enseigne que l'amour mérite des sacrifices.

J'ai besoin de ton espoir pour ne pas renoncer au mien.


La guerre est l'épreuve de la force morale, elle le répète assez à Rosalie. Elle révèle cruellement la faiblesse de certains, les calculs mesquins, tandis que tant d'autres se découvrent dignes et modestes face à l'adversité.

Petite, ses écorchures lui donnaient le sentiment d'être immortelle. La vieillesse et la maladie étaient ce qui arrivait aux autres, quand elle-même se tenait sur la rive de la jeunesse. 

Combien de morts, de blessés pour que la voracité de la guerre soit rassasiée ?

C'est à ça que sert la peinture.  Restituer l'émotion. C'est aussi la chose la plus difficile.  Sans elle, l'œuvre manque sa cible.

L'amour n'est pas une tempête mais un accord profond, la certitude d'être à sa place, tranquille, protégée. 

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samedi 30 août 2025

Quatre jours sans ma mère - Ramsés Kefi ♥♥♥♥♥

 Quatre jours sans ma mère -  Ramsés Kefi  ♥♥♥♥♥























Philippe Rey
Parution : 21/08/25
Pages : 205
Isbn :
9782384822492
Prix : 20 €


Présentation de l'éditeur



Un premier roman poignant sur la fugue d'une mère, qui va métamorphoser sa famille.

Un soir, Amani, soixante-sept ans, femme de ménage à la retraite dans une cité HLM paisible en bordure de forêt, s'en va. Pas de dispute, pas se cris, pas de valise non plus. Juste une casserole de pâtes piquantes laissée sur la cuisinière et un mot griffonné à la hâte : " Je dois partir, vraiment. Mais je reviendrai. " Son mari Hédi, ancien maçon bougon, chancelle. Son fils Salmane s'effondre. À trente-six ans, il vit encore chez ses parents, travaille dans un fast-food, fuit l'amour et gaspille ses nuits sur un parking avec son meilleur ami, Archie, et d'autres copains cabossés.
Père et fils tentent de comprendre ce qui a poussé le pilier de leur famille à disparaître. Alors que Hédi réagit vivement, réaménage l'appartement, enlève son alliance, Salmane met tout en œuvre pour retrouver sa mère. Son enquête commence avec de maigres indices – une lettre, un chat tigré, une clé rouillée –, et remue un nombre incalculable de regrets. Il pressent que ce départ est lié à l'histoire de ses parents, orphelins émigrés de Tunisie. Il devine aussi que l'événement va tous les transformer, surtout lui, Salmane, qui voit enfin advenir son passage à l'âge adulte.
Dans ce premier roman plein de verve et de sensibilité, Ramsès Kefi compose une fresque intime et sociale, où le quartier ouvrier de la Caverne est à lui seul un personnage, avec ses habitants pudiques, son PMU d'antan, ses reproductions de bisons sur les murs... Ce texte est un chant d'amour aux mères qui portent le poids de leur famille, sans bruit et sans reconnaissance, aux hommes fragiles, impétueux mais débordant de tendresse, à ceux qui ont le courage d'aller chercher dans le passé les remèdes aux maux du présent.


Ramsès Kéfi


Après des études d’histoire et une parenthèse dans la restauration, Ramsès Kefi aborde le journalisme par hasard, en envoyant un texte – sur le café – à diverses rédactions. Le Bondyblog le publie et Rue89, dans la foulée, lui propose un stage. Il y restera cinq ans, à un poste de reporter polyvalent. En 2016, il rejoint le service Société de Libération, où il se spécialise dans les périphéries. En 2022, il part pour la revue XXI avec qui il publie À la base, c’était lui le gentil, un livre sur les rixes adolescentes. Quatre jours sans ma mère est son premier roman.



Mon avis

Voici un premier roman que j'ai adoré et que j'ai lu le sourire aux lèvres de bout en bout.

Salmane a 36 ans, sa vie, son univers c'est la Caverne, là où il est né, c'est ce qu'il a toujours connu.  Initialement "la caverne aux oiseaux" , 7 tours HLM dans la banlieue de Paris, cité construite 45 ans plus tôt en bordure de forêt, un endroit toujours paisible aujourd'hui.  Salmane s'y sent bien, chez lui, bien que diplômé d'un master en histoire ancienne, il vivote, travaille dans un resto fast-food avec un salaire minimum.  Le soir, il retrouve Archie et ses potes au parking pour refaire le monde aux petites heures de la nuit.  Salmane vit toujours chez ses parents Hédi et Amani, une vie d'ado gâté.

Ses parents sont arrivés 45 ans plus tôt de Tunisie, après un passage à Marseille. A Paris, ils se sont installés dans cette nouvelle cité et sont restés.  Amani a aujourd'hui 67 ans, elle est partie en laissant une lettre "Je dois partir vraiment. Mais je reviendrai".  Pour Salmane, c'est l'incompréhension totale,  ses parents lui ont toujours dit qu'ils étaient orphelins, sans famille. 

Il s'interroge, se remet en question.  Mais qui sont vraiment ses parents ?  Son père devient fou, il déclare que leur histoire d'amour est terminée, il démonte les meubles, a une attitude étrange.  Salmane va se mettre en quête de ses racines, essayer de comprendre, de retrouver sa maman, son histoire, ses racines coupées là-bas, recousues ici.

C'est un magnifique premier roman, dont la plume proche de l'oralité nous fait sourire, rire par moments. L'écriture est acérée, drôle mais aussi remplie d'amour et de tendresse. C'est une véritable chronique sociale au delà de la recherche d'identité, des racines, des silences familiaux.

Un roman qui nous parle du déracinement  mais aussi énormément d'amour, un amour maladroit d'Hédi envers Amani, d'un amour de Salmane pour ses parents. J'ai aimé la détermination d'Amani, une femme qui aux yeux de son fils est soudain autre chose que la mère et l'épouse, une femme qui enfin s'affirme, retourne aux origines, provoque un déclic qui va enfin faire grandir Salmane en adulte.  

Un premier roman qui donne la pêche et qui fait vraiment partie des belles découvertes de cette rentrée, un vrai coup de cœur que je vous recommande vivement. 

♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

Amani n'a jamais porté de jugement sur mon amitié avec Archie, là où Hédi aurait adoré trier mes potes et les menacer chaque fois que je rentrais tard.  Ma mère a eu Maria dans sa vie.  Elle capte ce qu'est un double et comprend ce que les autres, de l'extérieur, sont incapables de comprendre. 

Amani et Hédi n'ont jamais ouvert la porte d'une autre terre, d'un là-bas, puisqu'il n'y avait qu'ici.  Un jour, mon père a dit que la Tunisie n'était pas montée sur le bateau avec eux.  Pour ma mère, c'était moins poétique et plus chirurgical : nos racines avaient été sectionnées là-bas pour être recousues ici.

Je n'ai jamais ressenti le besoin d'une chasse aux origines.  J'aime ma tour et ses six frangines.  C'est un amour passionnel, qui ne laisse aucune place à une maîtresse.  J'y ai mes parents, Archie et une bande qui valent largement une famille.  Pourquoi s'enticher d'un terroir dont je ne connais rien ? 

- Bien sûr que je pleure, pas toi ?

Tout le monde n'est pas fait pour l'exil, n'est-ce-pas ?

- J'ai niqué ta vie parce que j'étais jaloux. Je te le dis et ça me fait mal. J'ai honte... Tu as toujours été meilleur que moi. Je suis derrière tes addictions, tes dettes, tes problèmes. Je te le dois, ce ticket.

Je découvre, à trente-six ans, comment l'inquiétude peut torturer un corps.

C’était si violent qu’il ne pouvait y avoir de suite. Je ne t’aime pas. Je n’ai pas connu le chagrin d’amour. Aucun symptôme, même pas une larme. Mais j’ai perdu confiance en moi, au point de fuir les filles et d’apprendre à écraser mes sentiments à leur égard. Cette nuit-là, mon cœur avait été enterré devant cet immeuble ocre

Les parents s’en vont, un jour : dans ma bulle d’autrefois – d’il y a quatre jours – ils étaient immortels.

J'ai l'âge d'être papa et je gamberge tel un ado.

jeudi 28 août 2025

Entre toutes - Franck Bouysse ♥♥♥♥♥

 Entre toutes   -   Franck Bouysse





















Albin Michel
Parution : 20 août 25
Pages : 288
EAN : 9782226465740
Prix : 21.90 €

Présentation de l'éditeur

Marie est née en 1912 dans une ferme de Corrèze. Elle n’en partira jamais.
Franck Bouysse, une fois n’est pas coutume, livre avec une pudeur saisissante l’histoire de sa famille et prouve ici qu’il est aussi talentueux dans le récit de l’intime que dans la fresque romanesque. C’est beau et déchirant, c’est plein d’allégresse et de tragique : c’est la vie comme elle va. saisissante parmi cette " bande d'humains " dont personne n'avait raconté sans clichés le travail au jour le jour, " les pieds dans la merde et la tête dans les étoiles ".

Franck Bouysse

Franck Bouysse est né et vit en Corrèze. Il a publié une quinzaine de romans couronnés par de nombreux prix, dont Grossir le ciel (La Manufacture de livres, 2014 ; Prix SNCF du polar, Prix Michel Lebrun, Prix Lire en poche…), Plateau (La Manufacture de livres, 2016), Glaise (La Manufacture de livres, 2017 ; Prix des lecteurs de la Foire du livre de Brive), Né d’aucune femme (La Manufacture de livres, 2019 ; Prix des libraires, Prix Babelio, Grand prix des lectrices de Elle…), Buveurs de vent (Albin Michel, 2020 ; Prix Giono) et Fenêtre sur terre (Phébus, 2021).En 2022, avec Été brûlant à Saint-Allaire, il écrit son premier scénario original de bande dessinée pour le dessinateur Daniel Casanave.   Source : Albin Michel




Mon avis

"Entre toutes" c'est l'histoire de Marie, la grand-mère de Franck Bouysse née en 1912 et ayant quitté ce monde la veille de ses 88 ans. C'est une traversée du siècle passionnante qui rend ce roman universel.  À travers l'histoire de Marie, ce sont nos aïeuls que l'on retrouve, nos racines.


Marie a vécu sa vie entière dans une petite ferme du Sud-Ouest. Elle a reçu l'amour de sa mère, Anna, une femme forte, aimante, taiseuse, travailleuse, attachée à la terre, devant comme Marie plus tard, faire face à l'absence des hommes.  Marie a traversé deux guerres, l'absence du père très tôt, parti à la guerre lorsqu'elle est âgée de deux ans.  Elle devra faire face au silence du père, se construire et plus tard devenant mère transmettre à son tour sa force, son amour.

C'est un livre d'ambiance, d'atmosphère, une épopée, la traversée d'un siècle à travers le regard des femmes, c'est leur vie à la campagne, l'attachement à la terre, une vie de labeur où elles doivent faire face à l'absence des hommes, être fortes.  C'est aussi les joies, les drames et la vie qui continue coûte que coûte, le poids de la religion, l'avènement du progrès mais c'est aussi l'amour, celui qui arrive par une voix, celle de Clément.  Un amour qui construira la vie de Marie, un amour qu'elle transmettra à ses enfants, toujours dans la dignité.

L'écriture est fluide, poétique, pudique et puissante.  Elle est d'une grande justesse, d'une grande humanité. Ce roman est sublime, on ne le lâche pas car il est universel.

Magnifique récit, je n'ai pas envie de vous en dire plus, pour vous laisser découvrir cette petite merveille que je ne suis pas prête d'oublier. 

Immense coup de ♥


Les jolies phrases 

Seuls les pères pouvaient abandonner leur famille sans raison valable, les mères, jamais. 

Il était aussi absent de sa vie.  La seule parade qu'il avait trouvée pour préserver sa famille de son propre effondrement. 

Un homme qui en tue un autre est aussi mort que sa victime, sinon, il ne serait pas vraiment un homme. La guerre, elle ne fabrique pas de héros, elle fabrique le malheur, la laideur la plus absolue. Moi, j'en ai pas rencontré un seul, de héros.  On crevait tous de trouille.  Certains la masquaient mieux que d'autres, c'est tout.

Je ne sais pas où va ce monde, s'il retiendra la leçon.  Je ne suis pas bien confiant, tu sais.  Le passé ne plaide pas en faveur de la paix.  Quand il s'agit de tuer son prochain, l'homme est sacrément inventif.  Il en a fait une industrie.  Y a aucune raison que ça change.  C'est terrible de constater que la mort fait vivre des gens, que ces gens-là font tout pour qu'une guerre revienne les engraisser. 

Ils pensaient que le progrès et le changement étaient deux choses différentes, qu'ils parviendraient à maîtriser le premier afin qu'il ne modifie en rien les fondations millénaires.  Pensaient être capables d'en prendre les bienfaits et d'en rejeter les dommages.  Ils se trompaient, évidemment. 

Les parents sont des rochers sur lesquels les enfants s'accrochent jusqu'au bout, même devenus vieux à leur tour. 

Satanée vie !  Il faut perdre ce qu'on aime pour l'aimer encore davantage, si c'est possible.

Tu sais, quand je me retourne, je me dis que ce n'est pas le travail, ni ce qu'on fait, qui donne du sens à la vie ... c'est les gens qu'on aime et qui nous aiment...le restant, c'est que de l'occupation, du remplissage, du pas vraiment important, qu'on met en avant parce qu'on nous a éduqués ainsi... 

lundi 25 août 2025

Ce que prend la mer - Manon Fargetton ♥♥♥♥♥

 Ce que prend la mer  - Manon Fargetton   ♥♥♥♥♥




























Héloïse d'Ormesson
Parution : 21/08/25
Pages : 304
Isbn : 9782487819351
Prix : 21 €

Présentation de l'éditeur

Sur la piste d'un père muré dans le silence, une jeune vidéaste remonte le cours du temps sur une île écossaise. Son enquête fait resurgir une histoire refoulée, une transmission avortée, dont Maxine comprend qu'elle est la dépositaire.
Violoncelliste de renom, Térence habite une cabane posée sur une dune qui menace de s'écrouler. Alors qu'il est hospitalisé, sa fille, Maxine, découvre dans un tiroir une série de Polaroïds mystérieux, témoins d'une correspondance de près de cinquante ans. Ces clichés la bousculent, et grâce aux indices qu'elle identifie, elle part à la recherche de la photographe sur une petite île écossaise. En fouillant cette terre et les mémoires de ses habitants farouches, c'est un adolescent de dix-sept ans qu'elle rencontre, débarqué sur ce bout du monde pour disparaître. Un adolescent devenu ce père lointain qu'elle voudrait connaître. Car cette île, il l'a inscrite dans leur chair, et elle repartira avec des réponses qu'elle n'attendait pas.

À qui appartiennent les histoires ? À ceux qui les vivent ? À celles qui les racontent ? Ce que prend la mer est le roman d'une transmission avortée, d'un silence qui vient abîmer les êtres jusqu'à ce qu'il soit enfin brisé. Raconter et sublimer le secret décelé pour ne plus jamais vivre empêché. Une ode à la liberté de choisir la voie à emprunter.

Manon Fargetton

Manon Fargetton vit dans le Morbihan et voyage dès qu’elle le peut, en particulier en Écosse. Après dix ans à partager sa vie entre la régie lumière au théâtre et ses romans, elle se consacre désormais à l’écriture. Si elle vient des littératures de l’imaginaire, elle a exploré de nombreux genres au fil des années. Elle a reçu le prix Imaginales pour L’Héritage des Rois-passeurs, le prix Renaudot des écoliers et le prix Chronos pour la série Les Plieurs de Temps, et Le Suivant sur la liste a été couronné par seize prix littéraires. En 2024, son roman Nos vies en l’air a été adapté en série par FranceTV. Tout ce que dit Manon est vrai, son premier roman de littérature adulte, a paru en 2022 et rencontré un grand succès. Ce que prend la mer est le deuxième.





Mon avis

Maxine Andrieu, 32 ans est vidéaste et vit avec son compagnon Gaëtan. Elle se rend au chevet de son père, Térence, un violoncelliste de renom qui vient de faire un AVC.

Seize ans qu'elle n'est plus revenue chez lui, dans la cabane de son enfance, plantée au bord d'une dune de sable.   Sa vie vacille à ce moment comme la cabane risque de le faire, se tenant en équilibre précaire face à la mer suite à l'érosion et au vent.  

C'est plus fort qu'elle, elle doit filmer la maison avant qu'elle ne s'effondre. Il faut vider l'endroit car il ne résistera pas au retour de son père, ses  souvenirs d'enfance reviennent, les étés de ses 3 à 15 ans passés là. Elle hésite à le faire rapidement et décide malgré le danger d'y rester pour trier à son aise. 

Dans un tiroir, elle découvre des polaroïds, diverses vues dont des femmes qui dansent  âgées de 65 à 70 ans, une île, des clichés envoyés au fil du temps depuis 1972 à nos jours.  Un dernier dans une enveloppe datée de janvier, postée à Balvicar, une petite ville en Ecosse, au Nord de Glasgow.

Maxine va partir sur les traces de son père, à la recherche de ce qui a sans doute forgé la personnalité de son père. Son père violoncelliste prodige qui à l'âge de 9 ans avait déjà enregistré son premier disque,  pour qui la musique est essentielle à sa vie. 

En résonnance à l'histoire de son père, Maxine va s'interroger sur le désir de maternité, Elle va filmer et interroger multitude de femmes pour comprendre leurs choix face à la maternité, choix, réel désir, poids de la société, évidence ? Des questions en lien avec sa propre recherche identitaire, son questionnement personnel.

On voyage dans les deux histoires dans une double temporalité entre passé et présent.  La mer et la nature sont des personnages à part entière de l'histoire.  L'écriture est fluide, agréable, tout en douceur, pudeur,  justesse et sensibilité.  

J'ai beaucoup aimé les courts chapitres titrés en français et en anglais comme des plans séquences faisant le lien avec le côté cinématographique.

Je suis heureuse d'avoir découvert la plume de Manon Fargetton dans ce récit abordant les non-dits, les secrets de famille, l'importance des choix dans une vie mais aussi la filiation, le désir de maternité et la parentalité.

C'est un gros coup de cœur.  ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

Ce que la mer veut, la mer prend.

Même la pire des marées finit par redescendre.  Même la pire des tempêtes s'apaise.

Et je crois que c'est le plus beau cadeau qu'on se soit fait l'un à l'autre.  Accepter cette fin.  Ne pas s'acharner.

Et vers quatre heures du matin, le dehors est entré.  De l'eau par dessous la porte, de l'eau qui monte au pied du lit.  Il y a celle qui ruisselle de la falaise et des collines, et celle qui lèche les rues du village par vagues successives à mesure que la marée échappe à l'enceinte des rochers.  Ce que la mer veut, la mer prend.

C'est comme si leurs mémoires se réveillaient l'une l'autre, et Maxine est émue par cette valse.  Le monde que ces deux-là ont arpenté disparaîtra avec eux, mais ils sont là, encore, à en attiser les flammes pour transmettre ce qu'ils peuvent. 

Une pensée la traverse. Ce voyage en Écosse, peut-être que c'est exactement ce dont elle a besoin. Essayer, une dernière fois, de comprendre son père avant de devenir mère.

Toujours une caméra à la main, des plans serrés de chaque détail, des kilomètres de bande-son. Comme s'il lui fallait mettre à distance ses questions grâce à cette démarche professionnelle.

Tu crois que ton don pour la musique t'isole, te sépare des autres, mais nous, quand on t'entend jouer, on se sent moins seul.  Elle dit : Ta musique pourrait aider beaucoup de gens.  


Les premières fois, elle a eu des doutes, parce que l'intensité, parce que la passion, parce que la nouveauté, parce que l'autre qui voudrait plus, qui voudrait tout. Seulement, chaque fois, le doute s'évanouit, les histoires parallèles se terminent. Gaëtan est son point d'ancrage.
Sa maison. De toute manière, aucun couple n'est à l'abri d'une rencontre qui bouleverse ce qu'il a construit, et elle a la sensation que le sien, en s'autorisant à vivre ces attirances, se protège davantage qu'il se met en danger. Ils évitent l'électricité qui ne trouve pas de résolution, l'autre personne désirée qui envahit tellement les pensées qu'il faut tout quitter pour s'y jeter, et l'amertume de la trahison découverte. Depuis sept ans, ce contrat fonctionne pour eux.


dimanche 24 août 2025

Dans la tête d'Elton Munk - Ralph Vendôme

 Dans la tête d'Elton Munk   -  Ralph Vendôme
























Meo éditions
Parution : 21 août 2025
Pages : 196
Isbn :  9782807005228
Prix : 20 €

Présentation de l'éditeur

"- Comment cela? demanda Lloyd, le prince de l'assurance, qui l'avait immédiatement reçu. On n'hésite pas quand Elton Munk en personne vous demande un entretien.
Le bureau de Lloyd était situé en haut d'une tour d'où la vue sur les assurés était panoramique.
- Une assurance sur mon intelligence. Si je la perds, vous payez.
- Vous êtes sérieux, Elton?
- Très sérieux, Lloyd. L'intelligence est mon outil de travail. Si je la perds je suis foutu. C'est comme le tennisman et son bras, le dessinateur et sa main, la soprano et ses cordes vocales.
- Mais qu'est-ce qui vous fait croire que vous risquez de la perdre? Vous êtes plus brillant que jamais! Si j'en crois ce que je lis, vous êtes au sommet de votre art.
- Il ne faut pas croire ce qu'on lit, Lloyd, il ne faut pas voir ce qu'on voit, penser ce qu'on pense. Là est le danger! C'est parce que je commence à entendre ce que tout le monde entend et à penser ce que tout le monde pense que je veux faire assurer mon intelligence. Quand on rejoint la meute, on ne crée plus rien.
- Que voulez-vous dire?
- Je veux dire que j'ai peur de devenir con."

Elton Munk, un des hommes les plus puissants du monde, maître des technologies nouvelles et de la conquête spatiale, découvre qu'il n'est pas tout à fait insensible aux futilités qui accaparent ses contemporains. La phobie de « devenir con » s'empare de lui et le conduit, avec l'aide d'un psychiatre, dans un inquiétant voyage intérieur pour tenter de comprendre comment le petit Monkey est devenu l'homme qu'il est aujourd'hui. C'est au terme d'un long périple, dans un motel perdu au milieu du désert, que se fera la révélation. Et puisqu'Elton Munk est un personnage d'exception, le dénouement de ce récit ne pourra être que hors norme, en orbite autour de la terre, sous les regards ébahis, admiratifs ou railleurs du monde entier.

Rédigé avant que son modèle devienne mégalomane et commence à vraiment faire peur, Dans la tête d'Elton Munk, mélange d'humour et de clairvoyance, anticipe le basculement civilisationnel qui s'effectue sous nos yeux impuissants.


Ralph Vendôme


Ralph Vendôme est né à Beyrouth et vit à Bruxelles depuis son adolescence. Il avait publié jusqu'ici des nouvelles en revue et en bookleg, ainsi que deux recueils remarqués par la critique, "La théorie du parapluie", qui explore les similitudes entre enfance et vieillesse, et "Dans quel monde on vit", qui oriente le projecteur de manière à créer d'immenses ombres au tableau de la société contemporaine.
"Dans la tête d'Elton Munk" est son premier roman.




Mon avis

Elton Munk est connu dans le monde entier, c'est le pape des nouvelles technologies.  Il est novateur, a créé la voiture électrique, développé l'intelligence artificielle, est à l'initiative des paiements électroniques, de fusées révolutionnaires pour visiter l'espace.  Il a une intelligence hors normes et est capable de transformer l'univers.

Il crée, invente, solutionne des problèmes pour ses congénères avec aisance et aujourd'hui une crainte le préoccupe, il a peur de devenir con !  Et veut assurer son intelligence !

C'est comme cela qu'il rencontre David Allen, psychiatre. David va tenter  de comprendre et entamer avec Elton un grand voyage intérieur pour voir comment le petit "Monkey" enfant est devenu l'homme d'aujourd'hui.  Essayer de comprendre les motivations de Munk aujourd'hui, pourquoi veut-il à tout prix lier l'intelligence humaine à l'intelligence artificielle et greffer un implant dans le cerveau des gens,  pourquoi veut-il manipuler le monde ?

Munk est hyper intelligent mais il est aussi colérique, mégalomane, égocentrique.  Il peut certes trouver des solutions rapides grâce à une faculté de synthèse hors normes, mais la morale et l'éthique ne l'étouffent pas vraiment.  Résoudre les problèmes migratoires et climatiques sont bien entendu aussi à sa portée, avec des solutions qui nous choquent mais surtout lui rapportent toujours plus d'argent.

Ce premier roman est plein de dérision et étonne car il a été écrit avant toutes les réalisations du vrai Munk.  On sourit beaucoup sur les descriptions du personnage mais le récit pose de vraies questions sur notre société actuelle, sur ce qui nous façonne, nous motive. Les choix de nos vies ne sont-ils pas inconscients, liés entre passé et avenir ?

Une lecture passionnante, qui nous interroge sur nos comportements, sur l'utilisation des réseaux sociaux par l'intermédiaire du personnage d'Irène Schwab, préoccupée surtout comme Munk par ce que lui rapportent ses nombreux followers.  Elle a un point commun avec Munk, elle a peur de changer de comportement et de devenir intelligente.

Un roman bien construit qui vous procurera des surprises.  J'ai passé un très bon moment.

Ma note : 8.5/10


Les jolies phrases

En gros, une intelligence préserve des conneries.  Mais la connerie est la chose la mieux partagée au monde, elle n'a ni race, ni religion, ni sexe.  Tôt ou tard elle s'immisce dans nos pensées, et pollue nos réflexions. Quand on se sent menacé dans nos libertés, quand le monde nous paraît incertain, on se replie sur nous-mêmes et on n'écoute plus que les gens qui pensent comme nous. On manque de discernement.


La définition qu'Elton préfère de l'intelligence est la faculté à modifier l'environnement pour l'adapter à ses propres besoins. Et la capacité à traiter l'information pour atteindre ses objectifs. 

Le passé oriente l'avenir et l'histoire est un éternel recommencement. 

Comment évolue un doute dans un esprit cartésien ?  Il grignote le terrain, se répand dans les zones les plus perméables de la raison, entame l'ultime ascension avec la confiance des conquérants et plante son drapeau au sommet de l'intelligence.

Au fond, le besoin de reconnaissance est le même que l'on soit riche ou pauvre, idiot ou haut potentiel, muet ou bavard, dans l'antiquité comme dans l'avenir.  En temps de guerre ou en temps de paix.  Le besoin d'être écouté.

L'humanité ne doit-elle pas son épanouissement au progrès technique et scientifique ?

Dois-je dresser les bienfaits de la science pour l'homme ?  L'homme d'aujourd'hui n'est sûrement pas meilleur ou plus heureux que celui d'hier en terme absolu.  Le bonheur n'est pas tributaire d'une seule science.  Il y avait des gens heureux et des gens malheureux avant la pénicilline ou le vaccin contre la variole.  Il y avait des gens heureux et malheureux avant Galilée, avant Newton, avant Einstein.  Avant Freud et avant moi.  Chacun d'eux a dû subir les forces d'inertie de son époque. Mais qui voudrait revenir en arrière ?


Le monde craint que les machines remplacent les hommes.  Le monde craint que les machines deviennent plus intelligentes que l'homme et prennent le pouvoir. 



Du même auteur j'ai lu

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samedi 23 août 2025

Nourrices - Séverine Cressan ♥♥♥♥♥

 Nourrices  -  Séverine Cressan   ♥♥♥♥♥




















Dalva
Parution : 21 août 2025
Pages : 272
ISBN 978-2-4876-0046-1
Prix : 21,50 €



Présentation de l'éditeur




Dans ce village, c’est du corps des femmes qu’on tire l’argent qui fait vivre les familles. Car ici, on vend une denrée précieuse : le lait maternel. Sylvaine, son garçon à peine sevré, accueille chez elle une «petite de la ville». Mais une nuit, en pleine forêt, elle découvre un bébé abandonné et, à ses côtés, un carnet qui raconte son histoire. Elle recueille ce nourrisson avec lequel elle tisse immédiatement un lien fusionnel. Quand la petite dont elle a la garde meurt, Sylvaine décide d’échanger les bébés. L’enfant mystérieuse se substitue à Gladie, l’enfant de la ville qui lui a été confiée...
Avec ce premier roman sensuel et bouleversant, Séverine Cressan révèle les rouages troublants d’une industrie méconnue. Dans ces pages inoubliables, elle nous entraîne dans un univers où la nature et l’enchantement ne sont jamais loin et réinvente l’histoire de ces mères invisibles.


Séverine Cressan

Séverine Cressan, née en 1976 dans la région lyonnaise, est passionnée depuis toujours par la littérature et la découverte de nouveaux horizons. Son amour des mots l’a conduite vers des études de lettres modernes et d’allemand puis au professorat. Elle a enseigné en France, en Allemagne et en Belgique. Elle vit aujourd’hui sur la côte Atlantique, au sud de la Bretagne.






Mon avis

C'est un immense coup de cœur, un premier roman magnifique mettant en avant des femmes qui par nécessité sont devenues nourrices,  une ode à la maternité, à la femme, à la transmission et l'attachement et aux liens à la nature.

Un drôle de commerce a lieu dans la région, c'est la Chicane, alias Allouin le meneur qui en détient le monopole.  Il propose aux mères du village de vendre ce qu'elles ont de plus précieux, le lait maternel.  
La femme n'a juste aucun droit, juste celui de faire ce que son mari décide.  Elle ira en ville laissant son enfant ici s'il le décide et nourrira les enfants des autres.  

La Chicane lui s'enrichit sur ce commerce car c'est lui seul qui est l'intermédiaire, il conserve une partie de la pension à sa guise, il fixe les tarifs.  La marchandise ne manque pas car il y a la Tour d'Abandon où les bébés peuvent être déposés dans un tiroir.  Les conditions de survie sont difficiles.

Sylvaine vit dans la forêt avec son mari Andoche et leur fils Jehan maintenant sevré.  Elle va faire le voyage de deux jours en chariot avec d'autres pour la première fois et revenir avec Gladie une enfant de la ville.  Une nuit de lune rousse, elle est attirée vers l'extérieur, guidée par la nature et trouve l'enfant de la lune dans une clairière, auprès d'elle un mystérieux carnet.

Sylvaine va s'occuper de cet enfant et lorsque Gladie, trop faible périra, elle décide avec Andoche de substituer le bébé pour conserver sa réputation et la rente.

En parallèle on découvre le carnet dans lequel Zaïg nous raconte son parcours et l'histoire de l'enfant.

C'est un récit captivant, un enchantement, la plume est magnifique, très poétique en lien complet avec la nature, la terre originelle.  L'écriture est fluide, j'ai dévoré cette petite merveille qui bouleverse, émeut.

C'est l'amour maternel, l'attachement, le sort des femmes considérées comme la chose des hommes à leur disposition, c'est aussi la révolte, la solidarité , la sororité qui est décrite.  Ce livre est insitué tant dans le temps que dans l'espace car il est universel, toujours actuel , un roman féministe, engagé que j'ai adoré et qu'il faut absolument découvrir. 

Immense coup de cœur. ♥♥♥♥♥ 


Les jolies phrases

C'est la première fois qu'elle arpente les rues de la Ville, est confrontée à sa démesure, sa clameur, ses odeurs. Tout oppresse la jeune femme, agresse ses sens.  Elle a l'impression d'être entrée dans la gueule d'un animal monstrueux, se sent perdue, minuscule au milieu de cette foule bruyante, de cette multitude mue par des motifs qui lui échappent.  Tournis, vertige de tant d'impressions sensorielles inédites.  Est-ce cela que ressent un nouveau-né lorsqu'il sort du cocon protégé et doux de la matrice ?  Une lumière qui aveugle, des sons qui assourdissent, des odeurs qui donnent la nausée, des contacts rugueux qui malmènent. 

En s'entendant prononcer ce patronyme avec assurance, sans l'once d'une hésitation ni le moindre tremblement de voix, Sylvaine mesure le pouvoir de la parole qui fait exister ce qui n'est pas, par le simple fait de le nommer.


La pire chose c’est le non-dit, le tu. Même si on veut le dissimuler, l'enterrer soigneusement en érigeant des barrières, des barricades que l'on croit imprenables, le secret suinte, s'écoule de toutes parts comme une eau impossible à retenir dans un poing fermé. Tout individu trahi sait, au fond de lui, que quelque chose lui est caché. C'est un fardeau immense à porter, un de ces fardeaux qui vous écrasent au point de vous empêcher d'avancer. La plupart des hommes craignent la vérité, croient qu'elle va les empêcher de vivre. Au contraire, c'est le mensonge et le secret qui tuent. »


Qui peut vivre dans le monde sans savoir qui il est ? Et d'où il vient ? Personne. Les bêtes n'ont pas besoin de savoir cela, elles naissent, vivent et meurent sans question car elles sont les enfants de la terre. Les humains, c'est autre chose . Ils ont besoin de savoir sinon, ils passent leur vie à chercher le point d'ancrage qui leur fait défaut. Ce faisant, ils en oublient de vivre


Rares sont les humains qui osent se regarder tels qu'ils sont. Encore plus rares sont ceux qui osent se montrer aux autres dans leur vérité nue. J'ai pensé qu'elle avait raison. Que si on avait le courage de regarder les choses en face, les filles seraient pas obligées de faire des choses pareilles.

mercredi 20 août 2025

Haute-Folie Antoine Wauters ♥♥♥♥♥

Haute-Folie  -  Antoine Wauters  ♥♥♥♥♥ 


















Gallimard
Parution : 21/08/25
Pages : 172
Isbn : 9782073101556
Prix : 19 €


Présentation de l'éditeur

« Je crois que certains êtres ne nous quittent pas, même quand ils meurent. Ils disparaissent, or ils sont là. Ils n’existent plus, or ils rôdent, parlant à travers nous, riant, rêvant nos rêves. De même, quand on pense les avoir oubliés, certains lieux ne nous quittent pas. Ils nous habitent, nous hantent, au point que je ne suis pas loin de croire que ce sont eux qui écrivent nos vies. La Haute-Folie est un de ces lieux. Toute notre histoire tient dans son nom. »

Haute-Folie raconte la vie de Josef, un homme dont la famille a été frappée, alors qu’il venait de naître, par une série de drames qui ne lui ont jamais été rapportés. Peut-on être en paix en ignorant tout de sa lignée ? Où chercher la sagesse quand un feu intérieur nous dévore ? Qu’est-ce que la folie, sinon le pays des souffrances qui n’ont nulle part où aller ?
Servi par un style fulgurant, ce roman cruel et lumineux explore la marginalité et les malédictions qui touchent ceux dont l’histoire est ensevelie sous le silence.

Antoine Wauters

Né en 1981, Antoine Wauters est un écrivain belge connu pour ses recueils de poésie.

Les débuts d’Antoine Wauters

Philosophe de formation, Antoine Wauters se prédestinait à une carrière d’enseignant. Mais au fil des années, l’auteur se consacre de plus en plus à la littérature en publiant ses premiers recueils de poésie à partir de 2008 (Os, Debout sur la langue). Dans son premier roman intitulé Nos Mères, l’auteur s’intéresse à la guerre au Moyen-Orient. L'histoire est celle d’un jeune garçon qui s’invente une fratrie imaginaire pour oublier la mort de son père, pour tenir le coup pendant la guerre. La brutalité humaine semble être une constante chez l’auteur. En 2018, Antoine Wauters sort deux ouvrages en même temps : Pense aux pierres sous tes pas se passe durant la dictature et Moi, Marthe et les autres se passe dans un Paris post-apocalyptique.
Les premiers succès d’Antoine Wauters

Antoine Waters a beaucoup voyagé au Liban. Il croise également le chemin de nombreux poètes Syriens qui se sont installés en France. En 2021, l’auteur s’inspire de ces rencontres en publiant un roman en vers libres, Mahmoud ou la montée des eaux dans lequel nous suivons l’histoire d’un vieux poète, autrefois enseignant, vivant sous le régime de Bachar Al-Assad en Syrie. L’ouvrage est récompensé par le prix Wepler.

Également intéressé par le cinéma, Antoine Wauters a été scénariste pour Préjudice (2015) d’Antoine Cuypers avec Nathalie Baye au casting.   source : Fnac


Photo F. Mantovani © Gallimard


Mon avis


Attention pépite!  C'est un immense coup de cœur, ce sera je pense un des incontournables de cette rentrée littéraire.  Antoine Wauters monte encore en puissance dans son écriture, une langue épurée qui va à l'essentiel, un récit qui m'a chaviré le cœur, bouleversée à plusieurs reprises, d'une intensité émotionnelle extrême.

Haute-Folie c'est un lieu, une ferme, un endroit frappé par une multitude de drames, ce sont les racines de Josef dont on va découvrir l'histoire.  Un incendie à sa naissance, un événement qui va le consumer toute sa vie durant car "Ce qui tue c'est le secret."  Il y a des choses enfouies en lui qui le dévorent, un pays de souffrance, de mal être, c'est plus fort que lui, c'est en lui, il veut comprendre savoir, se construire.

Mais comment être au monde lorsque le poids des secrets l'empêche de posséder ses racines.  Josef a du mal à trouver sa place auprès des humains, il erre, fuit, marche dans la nature, se ressource dans l'écriture salvatrice.  Seuls les contacts avec la nature et les enfants le rendent un peu vivant.

Il est toujours partagé entre l'envie d'être heureux, d'aimer, de trouver sa place mais quelque chose en lui le retient, des fantômes rôdent, l'habitent, le hantent.  C'est plus fort que lui, les non-dits, ce silence qui tue.  Et le jour où il découvre enfin son histoire, sa vie est coupée en deux, il sait qu'il va devoir lutter contre la folie et qu'il ignore complètement qui il est !

Une vie d'errances, de doutes, un destin qui s'acharne, le passé qui inconsciemment l'habite et conditionne sa vie.

Ce texte est juste sublime.  La plume est incandescente, poétique, la prose est fluide.  C'est un livre qui peut se dévorer d'une traite ou comme je l'ai fait, en prenant le temps pour le faire durer encore et profiter de la beauté du texte, de prendre la mesure, le poids des mots, tout son sens.  Les émotions sont fortes, intenses. 

Un livre court mais très dense d'une beauté extrême.  C'est sombre et lumineux à la fois, bouleversant.


Il pose question sur le poids des secrets sur une vie, la folie, sommes-nous maîtres de notre destin?  Le pardon est-il toujours possible ?  Difficile d'être déchiré entre l'amour et la haine, la transmission et l'écriture salvatrice.

A lire absolument ! 

Immense coup de cœur  ♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

Peut-on être, en même temps, mort et vivant ?

Le cerveau est une planche, alors, et le savoir un long clou.  C'est le maître qui dit ça.  Apprendre égale souffrir.  Souffrir veut dire apprendre.  

On ne guérit pas de certains manques.  On part parce que la brûlure est trop vive. On se met en marche parce qu'on espère rejoindre ce qui est impossible.

Le passé est une chose longue et lente à guérir.  On le croit derrière nous alors qu'il est devant, qu'il nous mène et nous guide.  C'est un cercle.  Une boucle. 

Tout a lieu dans des corps différents, mais l(histoire se rejoue, c'est la même.

L'invisible a des yeux qui n'ont d'yeux que pour moi.  Rien n'est plus présent en moi que l'absence. 

Le monde grouille de présences invisibles.  Des minimondes cachés qui nous observent quand nous croyons tout voir et tout savoir. Cette idée me réjouit : nous ne sommes pas tout. 

Le fait que j'existe plus fort intérieurement, voilà ce qui ne me rend pas heureux.  Il faudrait me trouver un lieu habitable à l'extérieur aussi.   Mais moi, tandis que je suis, où suis-je ?

Le bonheur existe, mais on n'infléchit pas le destin, ou alors lentement, génération après génération.  On croit que des trajectoires dévient, mais la vérité c'est que là où on s'imagine qu'elles dévient, elles épousent au contraire un tracé là depuis toujours.  On ne change pas ce qu'on est. On ne devient ni plus heureux ni plus malheureux.  On plonge dans ce qu'on a à être.

Tout au fond de moi, il y a une gare.  Et le quai de cette gare est plongé dans la nuit.  Et un petit garçon, qui n'est pas moi et qui est moi, attend éternellement sur ce quai de gare un train qui ne passera jamais. 

La folie ?  C'est le pays des souffrances qui n'ont plus nulle part où aller.

Mon bonheur est dans la distance.  Trop près de ceux qu'on aime, on les détruit. 

La guerre, ce sont des enfants qui continuent de jouer, qui ne s'arrêtent jamais de jouer.  Ni de sourire, ni d'espérer. Même quand partent les pères et qu'ils ne reviennent pas. 

...j'ai pensé que ce qui est sous nos yeux est parfois le plus éloigné, quand ce qui est le plus éloigné, le plus caché, le plus secret, est souvent le plus proche. 

Être orphelin, c'est l'être à jamais.  Toute une vie mangée par le manque. 

Du même auteur j'ai lu

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lundi 18 août 2025

Les ombres du monde - Michel Bussi ♥♥♥♥♥

 Les ombres du monde   -   Michel Bussi  ♥♥♥♥♥





















Les presses de la cité
Parution : 14 août 25
Pages : 576
Isbn : 978225821229
Prix : 23.90 €

Présentation de l'éditeur

Octobre 1990.
Le capitaine français Jorik Arteta, en mission au Rwanda, rencontre Espérance, jeune professeure engagée dans la transition démocratique de son pays.
6 avril 1994.
Un éclair déchire le ciel de Kigali. Le Falcon du président rwandais explose en plein vol. Commencent alors cent jours de terreur et de sang. Les auteurs des tirs de missiles ne seront jamais identifiés. Quelqu'un, pourtant, connaît la vérité.
Noël 2024.
Jorik, sa fille et sa petite-fille s'envolent pour le Rwanda. Tous poursuivent leur propre quête, tourmentée par les fantômes du passé.

Dans Les Ombres du monde , Michel Bussi fait entrer l'Histoire dans le roman et le roman dans l'Histoire, articulant, en maître du suspense, la construction romanesque avec les faits historiques.
Une fresque éblouissante, à la croisée de trois générations, sur la transmission de la mémoire, et dont les rebondissements sont de puissants révélateurs de l'expérience de la violence, de la perte et du pardon.
Une langue où les images poignantes affleurent au cœur du tragique et traversent sur un fil les ombres du monde.


Michel Bussi

Michel Bussi, magicien du suspense, aime nous surprendre en nous manipulant.

Ancien enseignant-chercheur en géographie, il a exploré les cartes du monde avant de dessiner celles des âmes humaines.

Ses personnages ? Des invisibles, souvent des héroïnes courageuses, en quête d'identité et de réparation.

À leurs côtés, les lieux, comme sa chère Normandie, prennent vie pour devenir eux aussi des personnages à part entière.

Depuis Nymphéas noirs jusqu'aux Assassins de l'aube, les 21 romans de Michel Bussi parus aux Presses de la Cité, puis en poche aux éditions Pocket, ont conquis 38 pays et fait de lui l'un des auteurs préférés des Français et le plus adapté en série et en BD.

Consulter le site de Michel Bussi : Michel Bussi | Lisez!




Mon avis

C'est un immense coup de cœur de cette rentrée, Michel Bussi dont je découvre l'écriture nous propose un voyage à diverses temporalités, un récit passionnant bien instructif à plus d'un titre reprenant  l'histoire du Rwanda et la responsabilité de la France dans l'attentat du Président Habyarimana déclenchant les 100 jours de génocide des Tutsis.

En octobre 1990, Jorik Arteta est militaire et arrive pour la première fois au Rwanda.  Il tombera amoureux d'Espérance avec qui il aura une fille.  On va suivre à travers leur histoire d'amour un morceau de l'Histoire de ce pays et surtout le rôle de l'état français dans le génocide de 1994.

30 ans plus tard, nous découvrons Maé, la petite fille de Jorik et sa maman Aline arrivée en France à l'âge de trois ans.  Pour ses 15 ans, Maé va recevoir un radio cassette rouge reprenant des chants religieux rwandais, une photo de gorille du Viranga dont elle est passionnée, un billet d'avion les emmenant le lendemain le 24/12/2024 dans le pays de ses origines : le Rwanda.  Jorik lui offrira aussi le journal d'Espérance, sa grand-mère qui nous accompagnera durant le récit. 

30 ans que Jorik n'a plus remis les pieds là-bas !  30 ans c'est long mais les fantômes du passé ne sont pas très loin.  

Á travers l'histoire d'amour, c'est l'histoire d'un peuple qui va ressurgir, Espérance était une jeune professeure engagée dans la transition démocratique de son pays. Le récit est magnifiquement documenté mêlant fiction des personnages et faits historiques.  Le récit est passionnant, instructif, rempli de rebondissements jusqu'au bout.   La construction est parfaite, au fil de leur voyage, Maé découvre le journal de sa grand-mère, un vrai fil rouge retraçant l'Histoire du pays.  

L'écriture est fluide, addictive, immersive.  La plume décrit à merveille la région des lacs, les montagnes, la nature, on visualise, on s'imprègne.   Impossible de lâcher le récit.  Des personnages bien aboutis qui infusent et vous accompagnent bien après la lecture. 

Un seul moyen d'en savoir plus, le lire, le vivre. 

Immense coup de coeur  ♥

Les jolies phrases

Seule l'instruction te permettra d'être respectée ! Si tu as un métier, tu ne seras ni hutu, ni tutsi, tu sera simplement quelqu'un. 

Un garçon capable d'accorder de l'importance à un détail dont il ignore tout est forcément un garçon intéressant. 

Pour savourer ses rêves, il faut savoir les laisser infuser ; mais pour les réaliser, il ne faut pas procrastiner. 

Il n'y aura pas d'humanité sans pardon
Il n'y aura pas de pardon sans justice
Mais la justice sera impossible sans humanité

Tout ce que les gens réclament, c'est une tombe pour prier leurs parents, leurs frères, leur mari ou leurs enfants.  Un endroit pour se recueillir auprès d'eux, pour cesser de vivre avec des fantômes.

On peut faire taire les hommes et les femmes, mais pas les mots, s'ils sont gravés et bien cachés. 

Rien n'est inéluctable tant que le pire ne s'est pas produit.

L'art qui ne sauve rien mais qui guérit tout.

Le Rwanda compte trop d'enfants, presque quatre par femme, et pas assez d'anciens pour les éduquer.  Je plains les dirigeants de ce pays.  Vouloir gouverner un pays sans vieux, c'est comme vouloir diriger un bateau sans boussole.

Croyez-moi, le progrès est malédiction !  On l'oublie quand on vit avec lui, mais on le maudit dès qu'on en est privé.

Il n'y a jamais de génocide sans guerre.  La guerre offre le droit de tuer, elle banalise la mort, elle normalise la barbarie, les barrières psychologiques sont attaquées, les normes morales abolies.  Mais le génocide est bien différent.  Il vise à exterminer un peuple, définitivement. Pour ne te donner qu'un exemple, dans une guerre on tue les hommes en premier, les soldats ennemis représentent la menace principale.  Dans un génocide, on tue d'abord les femmes, parce qu'elles portent la vie, puis les enfants parce qu'ils représentent l'avenir, ainsi que les vieux, parce qu'ils sont les gardiens de la mémoire. 

Un génocide, n'est pas un feu de broussailles qui s'élève sur deux ou trois racines, mais un nœud de racines qui a moisi sous terre sans personne pour le remarquer. 

Tous les génocides du monde ont un point commun.  A l'exception d'une poignée de justes, personne ne résiste à la machine à tuer quand elle s'est emballée.  La désobéissance civile est un mythe.  Tout le monde obéit, et plus encore quand les ordres sont insensés.

Les gens les plus dangereux sont souvent les plus bêtes.  Quand on laisse la violence nous dévorer, c'est notre intelligence quelle grignote en premier. 

Du même auteur j'ai lu

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dimanche 17 août 2025

Lune de miel Tome 2 Le secret de Coatlicue - Bastien Vives

 Lune de miel  Tome 2

Le secret de Coatlicue   -   Bastien Vives






















Casterman
Parution : 14 mai 25
Pages : 48
Isbn : 9782203290396
Prix : 14.95 €



Présentation de l'éditeur


La comédie d’aventure revisitée avec brio !


Sophie et Quentin n’ont dédidément pas de chance avec leurs vacances !
Dérouté en raison d’une météo hostile, leur vol pour l’Amérique centrale se pose dans un petit aérodrome secondaire. Pour couronner le tout, Sophie a contracté avant de partir la gastro des enfants. En essayant de rejoindre la capitale en voiture de location, notre couple d’aventuriers s’embourbe en pleine jungle, au cœur d’un conflit entre orpailleurs et flics corrompus...
Un rythme efféréné pour cette nouvelle série qui rappelle les films d’action familiaux des années 1980 et 1990 : À la poursuite du diamant vert, Crocodile Dundee ou True Lies.


Mon avis

On retrouve Sophie et Quentin en route pour des vacances de rêves à Santorino.  Pas de chance, rien ne se passera comme prévu, l'avion va devoir atterrir en urgence sur un petit aéroport suite aux conditions météo.  Il semble bien que nos amoureux aient emmené avec eux la gastro de leur enfant!  Et pour couronner le tout, ils sont coincés dans la jungle vu les pluies diluviennes au coeur d'un conflit entre des orpailleurs et des flics corrompus.  

Une aventure qui va les mener dans les profondeurs de la jungle mettant leur vie en péril,  aventures au programmes, découvertes pour nos deux aventuriers dans l'esprit d'Indiana Jones.

Beaucoup d'action, chouette bd d'aventures. Chouette, on annonce déjà le troisième titre.

A suivre donc !

Ma note : 9/10


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